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ÉPREUVES MATERNELLES

son cousin, afin de faciliter les confidences de Denise.

Parfois, prise au piège, la jeune femme se laissait aller à quelque plainte que Madame Zode recueillait avec avidité afin de la dénaturer avec art.

Chaque fois, elle obtenait de son cousin une gratification qu’elle portait à la banque avec une joie d’avare.

Paul ne tardait pas à lancer quelque allusion à la confidence murmurée imprudemment. Denise, souvent, ne rapprochait pas la coïncidence, mais parfois, elle était contrainte de s’avouer que Mme Zode était sujette à caution.

Plusieurs fois, elle s’était insurgée contre cette présence qui troublait sa quiétude ; quand elle se croyait seule, Madame Zode survenait comme une ombre, lui causant un effroi nerveux.

En vain, Denise l’avait-elle priée de modifier son pas de velours, la bonne dame n’en avait tenu nul compte. Elle poursuivait paisiblement sa carrière d’espionne.

La seule satisfaction qu’avait Denise, c’est que le jeune Richard, dont les cinq ans devenaient perspicaces, ne pouvait supporter Madame Zode. Sentait-il le rôle infâme qu’elle jouait près de sa mère et obéissait-il à un instinct obscur ?… toujours est-il qu’il avait pour elle des mots assez durs, mais qui étaient justes.

Jamais Mme Zode ne se fâchait, ni ne se plaignait de ces manifestations. Elle comblait le petit garçon de bonbons, essayant de capter ses bonnes grâces, mais sans y parvenir.

Un jour, cependant, en pleine table, Mme Zode lança :

— Richard me déteste et je me demande pourquoi, je n’ai jamais eu que des amabilités pour lui.

Et, comme Richard était là, elle lui demanda tout en souriant :

— Pourquoi ne m’aimes-tu pas, mon petit homme ?

— Parce que vous n’aimez pas maman, riposta Richard.

— Vous voyez, Paul, quel malentendu, susurra Mme Zode… Cette pauvre Denise se croit persécutée et elle en instruit ses enfants à tort…