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ÉPREUVES MATERNELLES

— La Providence m’a dicté cette conduite. Sans doute, n’ai-je pas apprécié suffisamment mon bien-être… je devais le gagner.

Tout en parlant, Denise se hâtait dans ses préparatifs de départ, secondée par l’excellente dame.

M. Rougeard s’offrit à l’accompagner. Il connaissait l’adresse de l’industriel par le journal. C’était dans un quartier opposé au précédent.

Mme Rougeard vit partir Denise avec autant de regrets que si elle assistait au départ d’une fille chérie, pour un lointain voyage. Elle s’était tellement attachée à la jeune femme que ces circonstances révélées avaient changé ce penchant en une solide affection.

Mais comme elle n’aurait pu rester, ni seule, ni muette après un tel événement, elle ne perdit pas de temps, de son côté, pour aller voir Mme Pamadol. Ce fut une véritable fête que de lui narrer les détails surprenants de cette aventure.

Quant à Denise, elle ne se rapprochait pas sans une certaine épouvante de la demeure de son mari. Son cœur était partagé par deux sentiments contraires : l’effroi de voir Paul Domanet dans un état inquiétant, lui faisait trouver le trajet d’une lenteur insupportable.

D’autre part, une émotion joyeuse qu’elle ne pouvait contenir, contrebalançait l’anxiété qui la harcelait : elle allait revoir ses enfants et serrer dans ses bras les deux trésors de son âme.

Elle entendait à peine M. Rougeard qui lui disait :

— Votre retour sera on ne peut plus naturel… vous revenez de la maison de repos où vous étiez en train de vous soigner. Chacun connaît cette explication, que certainement, votre mari n’aura pas démentie. Si quelques initiés sont au courant, on l’aura vite oubliée et dans quelques semaines, ils traiteront eux-mêmes votre histoire de légende.

Enfin, Denise entra dans l’hôtel où les visages assombris du personnel renouvelé, prouvaient que la surprise de l’accident les possédait encore.

La jeune femme demanda qu’on la conduisît près de son mari. Les serviteurs bien stylés n’eurent aucune hésitation devant cette requête.

Ils savaient qu’une Madame Domanet existait et qu’elle séjournait dans une maison de repos.