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ÉPREUVES MATERNELLES

nouvelle pauvre qui tenait à sauvegarder sa fierté.

Mme Rougeard fut bien forcée de se ranger à cet avis. Renvoyer cette domestique ne lui agréait guère pour deux raisons : la première était que Marie la servait d’une façon irréprochable et la seconde, c’est qu’elle recélait une énigme qui excitait au plus haut degré l’imagination de sa maîtresse.

Ce que lui avait dit la tenancière du bureau de placement était vraisemblable. Des veuves de très bonne famille pouvaient avoir besoin d’être rémunérées sans tarder et devaient s’avouer satisfaites d’avoir un gîte avec la nourriture.

Marie Podel était une de celles-là.

Mais ce qui surprenait Mme Rougeard, c’était cette atmosphère de mystère que dégageait la servante. Il y avait des incidents qui eussent été simples pour les autres et qui s’annonçaient tout de suite énigmatiques quand il s’agissait de Marie.

Les circonstances en fournirent un.

Il advint que M. Rougeard en sa qualité d’ancien magistrat fut sollicité par lettre d’avoir à donner un conseil à un inconnu.

Ne voulant pas se déranger, il trouva tout naturel d’ordonner à sa servante :

— Marie, demain dimanche, en vous promenant, vous irez vers le soir, afin d’être sûre de le rencontrer, porter cette lettre à M. Hanel, avenue des Champs-Élysées. Nous dînerons un peu plus-tard et c’est tout. Je ne connais pas ce monsieur, et je voudrais que vous montiez jusqu’à son appartement afin qu’il vous donnât un reçu de cette lettre qui est importante. Ma femme me dit que je puis tabler sur votre sérieux et votre ponctualité.

Le magistrat regarda Marie.

Il vit avec assez d’étonnement que son visage était bouleversé.

— Qu’avez-vous ? s’écria-t-il.

— Je suis très ennuyée de vous refuser ce service mais je ne porterai pas cette lettre, répliqua Marie sourdement.

— Vous ne porterez pas cette lettre, et pourquoi ? dit sévèrement M. Rougeard.

— Parce que… parce que… hésita Marie qui cherchait une réponse correcte.

— Parce que cela ne vous plaît pas ! acheva le