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QU’EST-CE QUE LA RELIGION

centre de la philosophie moderne. Choisissez : ou spinosisme, ou point de philosophie. » (II, &37). « La pensée doit absolument s’élever sur le niveau du spinosisme, avant de se hasarder plus en avant. Voulez-vous philosopher, commencez d’abord par spinosiser, vous ne pouvez rien sans cela. L’âme doit d’abord se baigner dans cet éther sublime de la substance unique et indivisible, de cette substance où tout est descendu, absolument tout ce qu’on avait cru vrai ; vous devez ainsi vous défaire de toutes les particularité sans exception ; un philosophe doit être arrivé à cette négation, qui est l’émancipation de l’esprit, la véritable base sur laquelle il peut reposer » (III, 376). « Aucune morale, aucune vertu n’est plus pure, plus sublime que celle de Spinosa ; là, l’homme n’a pour but d’action que la vérité éternelle » (III, 404). « Cette morale spinosiste est la plus élevée et en même temps la plus universelle (H, 12). » « Dans l’âme généreuse de Malebranche nous trouvons tout ce qu’il y a dans Spinosa, seulement sous une enveloppe plus pieuse. En outre, Malebranche a aussi des mots sonores et vides sur Dieu, un catéchisme pour les enfants de huit ans sur sa bonté, sa justice, sa toute puissance, sur l’ordre moral du monde ; les théologiens ne pénètrent jamais plus loin que les enfants de huit ans (III, &16). » « Leibnitz, au contraire, a eu cette idée extrêmement ennuyeuse, de vouloir prouver que Dieu ait choisi le meilleur monde parmi tous ; on appelle cela optimisme, mais cette expression est vulgaire et louche, elle ne s’adresse qu’au vague de l’imagination. On peut dire des choses pareilles dans la vie ordinaire ; c’est comme si je fais acheter une marchandise et je me dis qu’elle n’est pas parfaite, mais enfin la meilleure qu’on aurait pu avoir, pour me donner par là un motif de me trouver satisfait. Seulement, ne l’oublions pas, concevoir, comprendre, préciser une idée, est, ce me semble, un peu différent de l’achat d’une marchandise (III, 465). » « Dieu a ce privilège, qu’on lui attribue tout ce qui ne peut pas être compris, mais le mot Dieu mène a une unité qui n’est qu’imaginaire (III, 472). » « c’est comme un ruisseau dans lequel s’écoutent toutes les contradictions. » Cela est dit surtout à l’adresse de Leibnitz ; quant à Kant, il s’exprime ainsi (III, 595) : « La réalité, et l’existence de ce dieu qui opère cet accord (que Kant a essayé de faire entre foi religieuse et loi morale) n’existent pas pour ainsi dire pour la conscience ; Dieu est mis là comme un