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QU’EST-CE QUE LA RELIGION

tre le catholicisme et le protestantisme, et de rallumer artificiellement, sinon artificieusement,un faux-semblant de passion religieuse chez l’un et chez l’autre, probablement pour les désennuyer tous deux dans un temps où les mariages entre protestants et catholiques, les fameux mariages mixtes, sont redevenus une question quasi-sérieuse ; quoi d’étonnant, dis-je, qu’on ait vu un révoltant anachronisme dans cet ouvrage ? Mon livre explique par des documents historiques que non-seulement le mariage mixte (le mariage entre des fidèles et des infidèles), mais aussi le mariage lui-même, répugne au christianisme. Le vrai chrétien, le chrétien des anciens temps, n’a pensé qu’au ciel.

Je ne me suis nullement laissé déconcerter par ce haro universel soulevé contre mon livre. Je me suis mis fort tranquillement à lui faire subir moi-même un examen des plus sévères au point de vue philosophique et historique. J’ai de mon mieux corrigé quelques fautes de forme, j’ai ajouté quelques éclaircissements, développements et documents, tous authentiques et irréfutables. Maintenant donc, qu’à chaque pas je m’arrête dans l’analyse pour citer les pièces a l’appui, j’espère que tous ceux qui ne sont pas frappés d’aveuglement volontaire, se convaincront par leurs propres yeux, et avoueront bon gré mai gré, que je n’ai fait que traduire le christianisme de la langue métaphysique et imaginative langue de l’Orient, en langue raisonnée et raisonnable, langue de l’Occident.

En effet, mon livre n’est autre chose qu’une version mot à mot, qu’une analyse, qu’une explication empirique, cela veut dire historique et philosophique. Les propositions générales dans l’introduction ne sont point des conceptions, des idées a priori, des produits de la spéculation pure ; elles sont, bien au contraire, nées de l’analyse de la religion, et ne contiennent, comme tout le livre, que les manifestations positives de l’être humain, en tant que religieux, traduites en idées, revêtues d’une expression générale pour être communiquées à l’intelligence. Les idées de mon livre ne sont que des conclusions, tirées de prémisses positives et vivantes, tirées de faits historiques. Ces faits sont trop volumineux pour être logés dans mon cerveau ; certes, je ne saurais, pour mon compte, souscrire à ce fameux mot de l’ancien sage : Omnia mea mecum porto.

Cette devise a pourtant été, jusqu’ici, celle de la philosophie spéculative. Je la condamne, cette spéculation absolue, qui veut