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RÉPONSE À UN THÉOLOGIEN

appuie tellement sur le mot foi, que le salut éternel, la grâce divine, l’amour divin, bref, tout doit être regardé comme dépendant de la foi (saint Jean, évang. 3, 16-18 ; 6, 40 ; II, Timothée. 2, 12). Cyprien exprime cela sommairement par cette formule : Qui Christum negat, a Christo negatur. Dans sa célèbre lettre au sénat de Venise, Mélanchthon dit : Scimus diabolum, cum sit hostis Christi, in hoc præcipue intentum fuisse ab initio, ut sereret impias opiniones ac obrueret gloriam Christi, et il ajoute : « Le démon excite ainsi les hommes curieux et méchants à pervertir, bouleverser les vrais dogmes chrétiens. » Et Cyprien (Epist., 73, XV) dit avec une admirable franchise : « Quant à ce que les Apôtres ont pensé à propos des hérétiques, nous trouvons que dans toutes les lettres apostoliques ils sont exécrés et détestés ; II, Timothée, 2, 17, l’apôtre dit que la parole hérétique est comparable à un cancer rampant ; il n’y a point de rémission de péchés possible de la part d’un cancer rampant (ut cancer serpit ad aures)… II, Corin. 6, 14, l’apôtre dit qu’il n’y a point de communauté entre la justice et l’injustice, entre la lumière et l’obscurité… et il dit que les hérétiques ne sont point de Dieu mais de l’esprit de l’antichrist, par conséquent ils ne peuvent point administrer les choses spirituelles et divines. Ainsi quand nous consultons pieusement, sincèrement l’autorité des évangélistes et la tradition des apôtres, nous verrons que les hérétiques ne méritent point la grâce ecclésiastique. » Voilà donc ce qui est constaté : les hérétiques sont antichrétiens, et un chrétien ne doit point se conduire chrétiennement, c’est-à-dire en frère, envers un antichrtétien, mais il doit se réconcilier avec un autre chrétien qui lui avait fait du mal : c’est le célèbre amour du prochain, c’est l’amour de l’ennemi personnel, mais nullement de l’ennemi principiel, public, général, qui est le paganisme ou l’hérésie. Calvin se prononce en conséquence de cette doctrine quand il dit n’avoir point persécuté le médecin Servète à cause d’offenses privées, et le doux Mélanchthon déclare : « Je crois que le sénat de Genève a bien agi… et je m’étonne de ceux qui lui reprochent d’avoir été trop dur. » M. Muller m’objecte la phrase de saint Luc d’où il veut absolument déduire le contraire de mon opinion il ne sait pas que cette phrase ne s’occupe que des samaritains contre lesquels les Douze avaient invoqué le feu dévorant d’Élie. M. Muller a l’insidieuse habitude d’omettre le terme moyen quand il m’ob-