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chich de l’angélo-démonologie. Que l’homme regarde enfin ses frères mineurs (en esprit), les animaux et les végétaux ; rarement ils arrivent à l’âge où ils auraient accompli ce qu’on appelle leur destinée : l’homme ne doit pas se plaindre si amèrement quand il meurt avant l’heure où toute son essence serait épuisée jusqu’à la dernière goutte.

Quand l’homme ne croira plus à une autre vie, il ne tyrannisera plus l’homme, et il ne se laissera plus tyranniser. Il aura soin de travailler et de jouir avec économie du temps et de ses forces ; il n’oubliera pas qu’il n’existe qu’une seule fois. Il n’achètera plus des indulgences à des Tetzel, il ne lèchera plus les éperons de l’exploiteur matériel ; il ne baisera plus les pieds du maitre spirituel. Il ne fera plus de sacrifices niais et fantastiques, mais il ne refusera jamais les sacrifices qui sont vraiment humanitaires. L’humanisme d’aujourd’hui veut évidemment ce que jadis le christianisme a voulu, abstraction faite des conditions temporelles et præmissis præmit tendis ; celui — ci n’a plus rieri à faire, celui —là va entrer dans sa place. Les premiers chrétiens ont été massacrés du jetés dans la misère matérielle ; les chrétiens d’aujourd’hui traitent de la même ma nière les antichrétiens, les athées, les humanistes, mais ayons bon courage, l’a théisme humanitaire n’est plus dans les camaril las des grands seigneurs riches et fainéans, comme du xviiie siècle, il est descendu dans le cœur des travailleurs qui sont pauvres, des travailleurs d’esprit comme des travailleurs de bras, il aura sous peu de temps le gouvernement du globe. Mais, en attendant, les chrétiens sont dans la jouissance comme jadis les païens. Le christianisme dit par la bouche du grand Martin Luther, qui ici comme ailleurs révèle à son propre insu et avec une incompa rable clarté les secrets théologiques : « S’il n’y a pas de Dieu, àlors il n’y a pas de Démon non plus, et la mort d’un individu hunain ne vaudrait pas plus que celle d’un arbre et d’un cheval. Alors remplis sons notre ventre, enivrons— nous, dansons et jouons, car demain nous serons morts, comme écrit saintPaul l’apôtre ( I. Corinth. 15). » Le christianisine de l’apôtre et de Luther est une doctrine très gros siêre, très matérialistė, malgré tout son mysticisme et malgré toutes ses ombres chinoises. Il se trompe en outre, car un être raisonna ble, convaincu de mourir demain, n’abrégera pas son existence par des crimes et par des débauches. Kant, dans sa grande vieillesse