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de démonstration. Cette croyance n’est guère plus étrange que l’habitude de construire pour un seul individu plusieurs maisons où des centaines d’individus trouveraient un domicile, d’appeler déesse une simple femme humaine, et de parler de l’immortalité d’une tête couronnée. L’homme devient forcément sophiste chaque fois quand son savoir, tout sérieux et profond qu’il soit, lui fait défaut ou ne lui suffit plus : par conséquent tout le monde débitera des sophismes quand on discute sur l’autre vie, sur l’immortalité individuelle. »

« Mais voici une idée, mes amis, qui me paraît juste : Après notre mort il y aura ce qu’il y a eu avant notre naissance. C’est du moins une idée instinctive, si je dois m’exprimer ainsi, et qui est antérieure a tout raisonnement. On n’a pas encore réussi à la démontrer, mais elle possède pour moi un attrait invincible, et probablement aussi pour bien des hommes qui hésitent seulement à l’avouer. Aucun raisonnement n’a pu jusqu’aujourd’hui me convaincre du contraire ; mon avis se base sur la nature, l’opposé se base sur l’art et rencontre des contradictions de fait qu’il serait fort difficile de réfuter. Du reste, mon opinion trouve un appui dans certains faits naturels, tels que l’engourdissement, l’évanouissement, la syncope, la catalepsie, etc. Il y a peu de gens, j’en sus sûr, qui ont réfléchi sur la signification du mot non-existence ; à mes yeux elle est l’état où je me trouvai avant ma naissance, comme elle sera celui où je serai après ma vie. Ce n’est pas de l’apathie, car celle-ci peut encore être sentie : c’est plutôt rien. Ce rien, ou si vous voulez ce néant, me paraît avoir la même valeur que ce qu’on appelle Bonheur suprême, quand il s’agit d’en être personnel et sensitif. On se trouve, ce me semble, également bien dans les deux cas. N’avons nous pas déjà une fois subi notre résurrection ? Certes, nous fûmes alors dans un état où nous sûmes bien moins de l’état présent, que nous ne savons dans l’état présent de celui qui nous attend ; notre seconde résurrection sera probablement analogue à la première. »

« Mes amis, tout le mal dans le monde doit être imputé à un respect irréfléchi pour les lois, les habitudes et les religions du passé »