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QU’EST-CE QUE LA RELIGION

combiner avec les objets naturels les plus simples ; les plus profonds de tous les mystères, comme les naturalistes et les physiciens savent, sont précisément dans ce qui arrive tous les jours et à toute heure, ce qui est vulgaire, ordinaire, ou prosaïque et banal ; la spéculation et la religion supranaturalistes sont trop hautaines pour jeter un regard sur le monde des choses existantes. La religion préfère de se créer un miracle imaginaire, les merveilles existantes ne sont rien à ses yeux.

L’eau est le vrai sacrement, le vrai remède primitif pour les maladies du corps et de l’esprit il faut donc s’en servir souvent et avec régularité. De là s’ensuit l’inutilité complète du baptême qui n’a lieu qu’une seule fois dans la vie ; c’est là ou une superstition ou une institution superflue : mais il devient une institution véritable et rationnelle, s’il est employé pour la glorification de l’énergie médicatrice de l’eau sous les rapports physiques et intellectuels.

Le sacrement de l’eau, toutefois, a besoin d’être complété. L’homme, l’animal et le végétal sont tous sortis de l’élément universel de la vie terrestre : tous sortis du liquide, du fluide, de l’eau, qui compose en majeure partie tout autre liquide, Le baptême allégorise pour nous la puissance maternelle que la nature exerce sur ses créatures ; l’eau, c’est l’élément primitif, l’élément de l’indifférence universelle. Or, l’homme se distingue de l’animal et du végétal, et cette distinction se symbolise dans le vin et le pain. L’un et l’autre sont d’après la matière deux produits naturels, et la forme deux produits humains.

Par l’eau baptismale nous déclarons : « L’Homme ne peut rien sans la Nature; »

Par le vin et le pain nous déclarons : « La Nature ne peut rien, spirituellement au moins, sans l’Homme.»

Ainsi, la Nature a besoin de l’Homme, et l’Homme de la Nature.

Dans l’eau l’activité humaine se subordonne à la Nature le vin et le pain elle s’objective à elle-même.

Le vin et le pain, voilà enfin deux produits surnaturels, dans la seule signification du mot qui n’est pas en contradiction avec la nature et avec la raison. Dans l'eau nous adorons la force naturelle pure ; Dans le vin et le pain nous adorons la force surnaturelle de notre esprit, de la conscience, du moi. D’où il sait que le baptême