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L’ESSENCE DU CHRISTIANISME

ligence et du bon sens ; réduisez, dis-je, cette essence divine à l’essence naturelle et innée de l’homme ; par-là vous émancipez le protestantisme, et le christianisme tout entier, de la contradiction fondamentale qui s’attaque à sa racine même. contradiction dont toutes les autres ne sont que des conséquences. Réduisez-la à sa vérité, en faisant par l’opération criticodialectique, les deux extrêmes de la contradiction se choquer l’un contre l’autre, se frotter et tourner l’un autour de l’autre en se consumant, comme deux diamants qui ne peuvent être pulvérisés que l’un à l’aide de l’autre. il n’est point difficile, en effet, de poursuivre plus loin encore la contradiction que nous avions démontrée entre la foi et l’amour.


Chapitre XXVIII.

La Conclusion.


Nous avons prouvé que le contenu de la religion et son objet sont humains.

Nous avons prouvé que la sagesse divine est de la sagesse humaine.

Nous avons prouvé que le mystère de la théologie est l'anthropologie ; en d’autres termes, que l’Esprit Absolu est l’Esprit dit subjectif et fini.

Mais, hâtons-nous de le dire, la religion n’a pas conscience de son humanisme ; elle ne sait point sa propre essence. Quelquefois peut-être elle ne veut pas le savoir.

Il s’ensuit de là, que le moment historique où l’aveu se fait de l’identité entre Dieu et l’Homme, est de la plus haute importance. Tôt ou tard, l’homme individuel comprend que la conscience qu’il avait de son Dieu n’était au fond que la conscience qu’il a du genre humain ; il comprend qu’il peut et doit s’élever au-dessus des barrières de sa mesquine individualité, pour se retremper dans la grande idée de l’Humanité. Mais en même temps cet homme individuel comprend qu’il ne peut ni ne doit s’élancer au-dessus des lois fondamentales et essentielles de l'Être humain, au-dessus de ce