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QU’EST-CE QUE LA RELIGION

doute là un centre d’impérissable beauté et d’inattaquable grandeur dans ce centre de la fraternité humanitaire unissons-nous au Christ. Le Christ est la conscience de notre identité humanitaire, de la solidarité de l’homme avec l’homme.

Encore un coup aimez l’homme pour l’homme, élevez-vous à cette sublime hauteur où l’amour pour l’humanité, pour l’homme collectif, répand la lumière et la chaleur à la fois, l’amour universel qui est homologue et adéquat à l’essence même du genre : vous serez non-seulement un chrétien, mais le Christ. Certes, l’amour humanitaire quand il entre en activité, tout universel qu’il soit dans sa théorie, doit se restreindre pratiquement, se spécialiser, sous peine de manquer son but : mais cet humanisme n’en reste pas moins universel. Il aime l’homme pour l’homme, au nom genre humain, et point au nom de Dieu ; tandis que l’amour dit chrétien est exclusif par essence.

Quand on remplit les conditions dont je viens de parlez, on fait par là ce que le Christ fit, et on fait ce qui lui donna le caractère distinctif du Christ. En d’autres termes, là où l’individu est éclairé et vivifié par les rayons de l’amour de l’humanité (caritas generis humani, de sorte qu’il comprend l’humanité comme genre, là l’individualisme disparaît et fait place à l’humanisme universel ; là le christ dogmatiques s’éclipse et le soleil de sa véritable essence se lève. Le Christ religieux est périssable, mais impérissable est son être intrinsèque, c’est-à-dire la conscience du genre, dont le Christ n’a été que le représentant : « Le Christ, c’est la vie éternelle : » cela est vrai, mais traduisons-le en langage ordinaire : « Le Christ, c’est l’allégorisation de la Conscience universelle et de l’Amour universel, de ces deux éléments constitutifs de la vie du genre humain. »

Pour dissiper tout doute qui pourrait encore subsister à l’égard de l’amour envers les ennemis, que le christianisme prêche, je prie les lecteurs de considérer les passages suivants de Luther (VI, 94. - V, 624) : « Le Seigneur Christ ne nous ordonne-t-il pas d’aimer nos adversaires ? Et pourtant David se vante de haïr les méchants et de ne pas être assis parmi les impies. En voici l’explication ; il faut aimer les ennemis d’après leur personne, il faut les détester et haïr d’après leur doctrine. De deux choses l’une : ou haïssez les impies ou haïssez Dieu. Vous ne pouvez point aimer les impies qui