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QU’EST-CE QUE LA RELIGION

glise romaine s’est montrée incapable de concevoir une notion morale au dessus de celle de l’immolation, du sacrifice ; de là l’immense valeur que cette doctrine attribue à la virginité, c’est-à-dire à la sacrification de l’instinct et de l’amour sexuels. Et voyez ici encore l’inflexible logique des raisonnements et des faits qui se produit malgré l’homme même : voyez le Dieu transcendant du supranaturalisme, et son culte aussi transcendant et supra-naturaliste Le Dieu catholique n’est dignement vénéré que par l’abstinence charnelle, qui est la plus haute vertu aux yeux de la foi, et par conséquent de toutes les vertus la plus fantastique, la plus bizarre, la plus idéale, la moins réelle, la moins naturelle, la moins rationnelle. Or, une vertu pareille est une vertu relative ou de circonstance, et nullement une vertu absolue, une vertu qui soit vertu par et en elle-même. D’où il suit que la foi, en faisant une vertu absolue de ce qui n’en est pas une, manque radicalement de sentiment et de goût pour la vertu. La foi proclame vertu suprême une vertu fantastique, c’est-à-dire un simple fantasme ou fantôme de vertu ; la foi doit donc dégrader la vraie vertu ; la foi enfin est profondément perverse, par cela même qu’elle est en révolte permanente contre la nature. Veuillez ici remarquer, que ma critique ne porte pas sur ce que des raisonneurs vulgaire et des moralistes superfi-

    imaginer. Dans cette cruauté, sans exemple jusqu’alors, je crois découvrir une influence chrétienne, exercé probablement par Lactance, le précepteur de Crispus, fils de l’empereur Lactance, qui dédia à Constantin ses libri divinarum institutionum s’éleva avec une grande force contre l’infanticide et l’exposition des enfants (Divin. Instit. VI, 20) et deux lois constantiniennes en résultèrent (Code Théodos, XI, tit. 27, t. 4. p. 188. — V, tit. 7 à 8). Le vrai christianisme de l’antiquité n’attaque pas ouvertement les rapports sexuels ; il prèche même l’abolition de l’infanticide, pour gagner par là des âmes pour le paradis ; mais il frappe l’union sexuelle dans le mariage (épouser est bon, ne pas épouser vaut mieux — imitons les chastes anges, etc.) et il sévit avec une cruauté inouïe dans les annales du genre humain contre le ravisseur et la fille ravie, avec une barbarie tellement atroce et raffinée, que le successeur de Constantin modifie cette loi ; ne sub specie atrocioris judicii aliqua in ulciscendo crimine dilatio nasceretur (Code Théodos. t. III, p. 193) dit son fils. La dégradation du mariage, au point d’être censé tout au plus bon comme remède contre la fornicatio, répond à ce cannibalisme pénal qui se déchaîne contre le rapt. Ce n’est point là de la philosophie païenne. (Le traducteur.)