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QU’EST-CE QUE LA RELIGION

divina revelatio illuxit… novimus, non sotum mentem, sed affectus perpurgatos, neque animam tantum, sed etiam corpus ad immortalitatem assumptum iri suo tempore. » Celsus était donc fondé à reprocher aux chrétiens un desiderium corporis, un singulier matérialisme en forme transcendante. C’est précisément cette monstruosité, la combinaison de matière et d’imagination qui ne laisse pas d’inspirer une profonde antipathie à tout cœur droit et éclairé ; car, remarquez-le bien, dans le ciel chrétien il ne s’agit point d’en ennoblissement, d’un embellissement de la nature organique, avec lequel on aurait déjà, implicitement du moins, fait une concession théorique à la matière ; il s’y agissait plutôt d’une destruction dissimulée du corps.

La Bible ne dit pas un mot sur les anges, auxquels les âmes chrétiennes ressembleront ; elle est en général très pauvre à propos de choses importantes ; elle désigne les anges sous le nom de pneumata, esprits supérieurs, hominibus superiores. Les chrétiens du moyen-âge se prononçaient plus explicitement ; mais sans accord entre eux : quelques-uns donnaient aux anges un corps, quelques autres le leur refusaient. Cela revient du reste au même, car le corps d’un ange est un corps idéal, fantastique, un caprice de la fantaisie, un jeu de l’imagination, un rien. À propos des corps ressuscités, il régnait aussi une énorme variété dans les opinions, mais qui n’a rien de prodigieux pour qui sait y voir un résultat nécessaire de la perversité en fait de logique ; car enfin, la conscience religieuse veut que le corps, après la résurrection, soit le même comme dans la vie, et en même temps elle veut que ce même corps soit un autre ; c’est ainsi que blanc ne soit, non-seulement blanc, mais aussi noir et blanc à la fois. Ce sont là des miracles religieux. « Cum nec periturus sit capillus, ut ait Dominus, capillus de capite vestronon peribit (Augustin et Petr. Lombard., t. IV, dist. 44, c. 1). » Le corps ressuscité est donc rétabli jusqu’aux cheveux inclusivement mais il n’a plus rien qui soit désagréable : « Imo, sicut dicit Augustinus, detrahentur vitia, et remanebit natura. Superex-

    cet amour de la science comme un funeste orgueil ; veuillez observer que ce reproche, commencé au berceau du christianisme, n’a pas encore cessé de se faire entendre de temps à autre dans la bouche des théologiens catholiques et acatholiques. Et on est encore assez loin pour voir dans lui un élément de civilisation. (Le traducteur)