Page:Feuerbach - Qu'est-ce que la religion ?,1850.pdf/307

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
295
L’ESSENCE DU CHRISTIANISME

mais ces deux variétés de polygamie sont à peu près identiques pour un vrai chrétien ; de ce christianisme factice qui permet en même temps à la fiancée de jurer par la vérité obligatoire et toute puissante de la parole divine, et je remonte rempli de respect vers ces anciens temps, si méconnus aujourd’hui, où l’âme croyante et vouée au ciel se cachait dans le crépuscule céleste du couvent, sans commettre l’adultère avec un corps terrestre[1]

  1. Qu’y a-t-il de plus agaçant les nerfs, de plus saisissant le cerveau, que cette ancienne poésie monacale :

    1. Ecquis binas columbinas
    Alas dahit animae,
    Ut ad almam
    Crucis palmam
    Evolet eitissime ?

    2. O insignis amor ignis !
    Cor accenda frigidum ;
    O divini
    Vis camini !
    Cor consume carneum.

    3. Da conjungi,
    Da defungi
    Tecum, Jesu, vivere.

    Où la suivante à Magdalène, c’est-à-dire à l’âme du chrétien

    1. Pone luctum Magdalena, sume risum Magdalena,
    Causae mille sunt laetandi, causae mille exultandi,
    Alleluia resonet !

    2. An dolor amor sit, an amor dolor sit,
    Utrumque nescio, hoc unum sentio :
    Blandus hic dolor est, qui meus amor est.

    3. Ignis adscendere gestit et tendere
    Ad coeli atria : haec mea patria.

    Et la célebre antidotum sancti Augustini, cette grandiose chanson d’amour :

    Quid tyranne (Satanas) quid minaris ?
    Quid usquam poenarum est
    Quidquid tandem machinaris,
    Hoc amanti parum est !
    Dulce mihi cruciuri,
    Parva vis doloris est.
    Malo mori quam foedari.
    Major vis amoris est, etc. (Ad. Folleu : Hymnes en lat. et all.)

    Le refrain de chaque strophe est mala mori quam fadari ; cette souillure que le chrétien augustinien doit craindre plus que la mort dans les tourments des païens, n’est rien autre chose que l’attaque faite à la chasteté transcendante Mais pourquoi alors anathématiser et assassiner le manichéisme, la chasteté organisée et logiquement érigée en système religieux ? parce que saint Augustin déteste la logique plus encore que la non-chasteté. (Le traducteur)