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L’ESSENCE DU CHRISTIANISME

lait se prononcer avec franchise. En général, il sanctionne le mariage comme Jésus chasse Bélial par Belzebub ; cette glorieuse et profonde idée sur l’attirance naturelle de l’homme et de la femme se trouve, par exemple, chez Tertullien (De Exhord. cast., c. 9) : « Quae res et viris et feminis omnibus adest ad matrimonium et stuprum ? Commixtio carnis scilicet, cujus concupiscentiam Dominus stupro adaequavit (est-ce clair ?) ideo virginis principalis sanctitas quia aret stupri affinitate. » En d’autres mots : l’amour sexuel (ou charnel. la distinction entre eux serait encore un sophisme théologique), l’amour sexuel, dis-je, est une débauche.

« Mieux vaut épouser que brûler, dit l’Apôtre I. Corinth. 7, 9 ; mais Tertullien interprète ce dicton : « Il vaut bien mieux de ni épouser, ni brûler. » Et le célèbre passage chez Pierre de Lombardie (IV, dist. 26, c. 2) : « De minoribus bonis est conjugium, quod non meretur palmam, sed est in remedium… Prima institutio habuit praeceptum, secunda indulgentiam. Didicimus enim ab Apostolo, humano generi propter vitandam fornicationem indultum esse conjugium. » Tertullien (ad uxor. I. 3) dit encore : Possum dicere quod permittitur, bonum est. Luther « Le Maître des Sentences dit avec raison, que le mariage au paradis a été institué pour le service de Dieu, mais qu’après la chute d’Adam et d’Ève il n’est devenu qu’un médicament contre le péché (I, 349). » « Si ta faiblesse ne te pousse pas au mariage, tu feras bien de ne pas te marier (V. 538). » « En comparant le mariage et la virginité, celle-ci doit être préférée (X, 319). À quoi les sophistes chrétiens répondront, que c’est le mariage non chrétien dont les auteurs que je viens de citer ont parlé. Qu’est-ce qu’un mariage non chrétien ? probablement celui qui n’a pas été consacré par la doctrine religieuse, ou qui n’a pas été orné par l’imagination religieuse ; mais s’il en est ainsi, alors la nature sexuelle n’est sainte que par le Christ, elle est donc mauvaise en elle-même. Si le mariage chrétien n’est donc bon que par son attribut chrétien, on dit là une chose que nous savons déjà depuis longtemps, car on nous a répété à satiété que le christianisme est la seule chose au monde qui soit réellement bonne. Du reste, cette christianisation du mariage n’est qu’une pieuse illusion, car le chrétien, quand il ne s’abstient pas de l’amour physique, ne se distingue plus sous ce rapport du païen. Non, dira-t-on, le chrétien marié a pour but d’augmenter le nom-