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L’ESSENCE DU CHRISTIANISME

dans moi, dans ma chair (Rom. 7, 18, 14). » « Vetres enim omnis vitiositatis in agendo origenes ad corpus referebant (J.-G. Rosenmuller, Scholia). » « Puisque le Christ a souffert pour nous dans la chair, armez-vous avec le même esprit, car qui souffre dans la chair, celui-là sera débarrassé des péchés (I. saint Pierre, 4, 1). » « Je voudrais m’en aller et rester auprès du Christ (Philipp. 1, 23). » « Nous autres nous sommes joyeux et voudrions mieux être en dehors du corps et aller vers le Seigneur (II, Corinth, 5, 8). » Ainsi, le mur de séparation entre Dieu et l’homme est le corps matériel et animé, lui seul nous empêche de nous unir au Christ, il doit être abattu le plus tôt possible. On ne peut pas dire non plus que le monde qui déplaît si souverainement au christianisme, soit la vie du luxe et de la vanité ; au contraire, monde signifie ici bien la réalité existante, ce qui s’ensuit déjà de la croyance des premiers chrétiens à l’arrivée du Seigneur, qui détruira le ciel et la terre, l’univers tout entier.

Cette fin du monde, d’après les chrétiens, n’est qu’une crise un peu violente de la foi : c’est la séparation radicale de tout ce qui est chrétien d’avec tout ce qui est anti-chrétien, c’est le triomphe que la foi remporte sur l’univers, un jugement de Dieu, une ordalie, un acte supra-naturaliste et anti-cosmique. « Ce ciel et cette terre sont épargnés encore pour le jour de la flamme, etc. (II, saint Pierre, 3, 7). » La fin du monde d’après les philosophes païens, au contraire, est une crise du cosmos, un procédé légitime et parfaitement en harmonie avec l’essence de la nature. Seneca : Sic origo mundi, nec minus solem et lunam et vices siderum et animalium ortus, quam quibus mutarentur terrena, continuit ; et il ajoute que la grande inondation, le déluge, vient comme l’hiver, ou comme l’été, d’après la loi de l’univers (Nature. Quaest. III, 29). » On y reconnait que c’est le principe vital inhérent au monde qui produit cette crise : « L’eau et le feu dominent sur terre ; delà a été l’origine, delà sera la fin du monde (III, 28). » Quidquid est, non erit ; nec peribit, sed resolvetur (Epist., 71). Tandis que les chrétiens restent comme spectateurs de la ruine universelle : « Et il enverra ses anges avec des trompettes clairsonnantes, et ils rassembleront ses élus de toutes les quatre parties du monde (saint Matth., 24, 31). » « Et aucun cheveu sur votre tête ne se perdra ; on verra arriver le Fils de l’Homme dans les nuages… et alors re-