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L’ESSENCE DU CHRISTIANISME

puissant que l’impératif du despotisme. L’amour ne commande pas, il n’a besoin que de laisser entrevoir ses désirs et déjà il peut compter sur leur réalisation ; le despotisme est forcé d’appuyer avec sévérité sur les mots de son ordonnance pour faire fléchir ses serviteurs. L’impératif de l’amour ressemble à la puissance électromagnétique, celui du despotisme à la puissance mécanique d’un télégraphe de bois. L’expression la plus intime dans la prière est sans doute le mot père, qui signifie l’identité la plus intensive de deux êtres personnels. La toute-puissance à laquelle l’homme s’adresse en priant, n’est rien autre chose que la toute puissance de la bonté, qui, pour le salut des hommes, est capable de rendre possibles les choses impossibles. C’est donc la toute-puissance du cœur enthousiasmé, du sentiment qui a renversé toutes les limites de l’intelligence et franchi toutes les barrières de la nature c’est ce sentiment qui veut qu’il n’y ait dans le cœur que ce qui soit d’accord avec lui. Si vous croyez à la toute-puissance, vous croyez à la non-réalité du monde extérieur, de l’objectivité, vous croyez à la réalité absolue de l’âme. L’essence de la toute-puissance exprime l’essence de l’âme affective, et pas d’autre chose. Cette toute-puissance est telle, que ni loi, ni détermination ne peut se maintenir devant elle. La toute-puissance exécute toujours en fidèle servante le commandement de l’âme affective. En priant, l’homme adore son cœur comme être suprême.

La Providence toute-puissante est évidemment la toute-puissance de l’âme humaine, qui s’est affranchie de toute détermination et de toute gêne naturelle ; cette toute-puissance se voit réalisée dans la prière, donc la prière est toute-puissante : « La prière de la foi portera du secours au malade ; la prière du juste peut beaucoup, Élie était un mortel comme nous, il fit la prière contre la pluie, et il ne pleuvait pas sur terre pendant trois années et demie ; il pria encore une fois, et le ciel donna de la pluie, la terre fournit ses fruits (saint Jacques. V, 15-18). » – « Si vous croyez, si vous ne doutez pas, alors vous ne ferez pas seulement au figuier, mais vous direz aussi à la montagne : Lève-toi d’ici, va te jeter à la mer. Et cela se fera. Enfin, tout ce que vous demandez dans la prière, si vous croyez. vous l’aurez (saint Matth., {{{1}}}XXI, 21). » Ces montagnes. vaincues par la force de la prière, ne sont nullement des choses difficiles en général, comme disent les exégètes,