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QU’EST-CE QUE LA RELIGION

nalisme arrivent à la fin également à cette simple question : « L'être humain est-il transcendant et surnaturel, ou est-il immanent et naturel ? Toute recherche spéculative sur la personnalité et l'impersonnalité de Dieu est vide de sens et de critique, parce que les défenseurs du Dieu personnel manquent de cette sincérité sans laquelle la science ne peut pas subsister. Ces hommes font de la philosophie sur le principe de leur bonheur personnel et individuel, tandis qu'ils s'imaginent de traiter des mystères d’un autre être. Le panthéisme identifie l'homme avec la nature (soit la mature phénoménale, matérielle, soit la nature abstraite), mais le personnalisme l'isole d'elle, en le rendant, de partie qu'il était, un être absolu. Pour s'éclairer sur ces choses, il faut remplacer l'anthropologie mystique et contradictoire, la théologie, par une anthropologie réelle : en d'autres termes, il faut discuter la différence ou l'identité de l'être de l'homme et de l'être de la nature. Vous-mêmes ne voyez dans l'essence du Dieu panthéiste que l'essence de la nature, et vous avez raison ; mais permettez aussi que nous ne trouvions dans votre Dieu personnel que votre essence personnelle, votre personnalité. Vous construisez votre Dieu personnel et hyperphysique en transformant votre propre personne en un être surnaturel.

Le principe de la création est un peu embrouillé par une foule de termes généraux, métaphysiques, voire panthéistes ; mais si on l'en a déblayé on voit qu'il n'est rien autre chose que l'affirmation de la subjectivité prise dans sa différence d'avec la nature : Dieu produit l'univers en le mettant hors de lui, l'univers n'était auparavant qu'une pensée, qu'une résolution de Dieu, plus tard elle devient action et se manifeste en sortant du sein de Dieu. Ainsi Dieu est sujet en face de l'univers créé, qui est son objet, au moins relativement objet. En mène temps, d'un autre côté, la subjectivité est posée comme extra-mondaine, séparée du monde ; voilà votre Dieu : et ne m'objectez pas ici sa toute-puissance, sa toute- présence, sa présence en toute chose, ou l'existence en Dieu de toute chose, Car malgré cela Dieu est si peu inhérent au monde qu'il le détruira un jour, ce qui prouve d'une manière irréfutable la non-divinité du monde ; en outre, Dieu n'existe particulièrement et par préférence que dans l'homme : « Nulle part Dieu n'est si proprement Dieu que dans l'âme humaine, » dit le grandiose mystique allemand Tauler (p. 19): « dans toute créature il y a quelque chose