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QU’EST-CE QUE LA RELIGION

cide de son matîre. Les héritiers de cette doctrine, malheureusement, n’ont que trop souvent exécuté ce que le fougueux docteur avait été empêché de faire le père Xavier Gruber, jésuite précheur de la paroisse de Malthe, à Munich, dit dans un sermon, en 1781 : « Nous aussi, les pasteurs des âmes, devons être de bons chiens gardiens, de chiens d’église, chaque fois que les faux prophètes attaquent l’Église ; alors nous devons aboyer, et, au besoin, nous devons même mordre avec les dents si solides de notre foi (Bucher, II, 94). » C’est bien la frénésie hydrophobique du fanatisme religieux, la fureur du chien enragé. Ajoutons encore quelques mots, pour compléter notre explication : le mystère de la Trinité est la personnification transcendante de la vie en commun, de la vie en société, c’est le mystère du moi et du toi.

« Unum Deum esse confitemur (dit le Concile de Calcédoine, Carranza, Summa, A. 1559, p. 139) ; non sic unum Deum quasi solitarium, nec eundem qui ipse sibi pater, sit ipse filius, sed patrem rerum, qui genuit filium verum, id est Deum ex Deo. Non creatum sed genitum. » Et le Concile de Syrmiam (I. I, p. 68): « Si quis quod scriptum est faciamus hominem, non patrem ad filium dicere, sed ipsum ad semetipsum asserit dixisse Deum, anathema sit. » Athanase (Contra gentes, Orat. Athan. opp. Parislis, A. 1627, I, 51), dit : « Jubet autem his verbis : jaciamus hominem, prodeat herba. Ex quibus apparet, Deum cum aliquo sibi proximo sermones his de rebus conserere. Necesse est igitnr aliquem ei adfuisse, cum quo universa condens, colloquium miscebat. » Pierre Lombard, de même : « Professio enim consortii sustulit intelligentiam singularitatis, quod consortium aliquid nec potest esse sibi ipsi solitario, neque rursum solitudo solitarit recipit : fasciamus… Non solitario convenit dicere faciamus et nostram (I, Distinc. II, c. 3). » Les protestans aussi interprètent comme suit : « Quod profecto aliter intelligi nequit, quam inter ipsas Trinitatis personas quandam de creando homine instituam fuisse consultationem (J. F. Buddei, Comp. Inst. Theol. Dog. cur. J. G. Walch, II, c. I, 45). » « Il a été dit : Faisons. Voilà un mot comme on parle dans un conseil…, et il s’ensuit clairement qu’il existe en Dieu plus d’une personnalité… Il dit Nous, cela suffit. Laissez les Juifs s’en moquer : ils disent que Dieu a voulu dire Moi ; ils se trompent (Luther, I 19). » Les