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L’ESSENCE DU CHRISTIANISME

esse prehibemur… sunt enim qui desertis virtutibus et nescientes quid sit Deus… magnum aliquid se agere putant, si universam istam corporis molem, quam mundum nuncupamus, curiosissime intentissime que perquirant… Reprimat igitur se anima ab hujusmodi vanae cognitionis cupiditate, si se castam Deo servare disposuit ; tali enim amore plerumque decipitur, ut nihil putet esse nisi corpus. » Écoutez Ambroise (Hexaem., 1,6) : « De terrae quoque vel qualitate vel positione tractare, nihil prosit ad spem futuri, cum satis sit ad scientiam, quod scripturarum divinarum series comprehendit, quod Deus suspendit terram in nihilo : » Il lui suffit de savoir que Dieu a suspendu notre globe dans le vide ; voilà toute la science naturelle dont Ambroise se contente, et saint Augustin qui sait que la chair humaine aura un jour sa résurrection est convaincu de savoir plus que les médecins qui étudient scientifiquement le corps de l’homme : « Longe utique praestantius est, nosse resurrecturam carnem ac sine fine victuram, quam quicquid in ea medici scrutando discere potuerunt (Sur l’âme et son origine, 4, 10). »

Luther dit : « Eh bien, laissez donc cette science naturelle : si vous savez que l’eau est fluide et que le feu est chaud, vous en savez assez ; vous savez comment administrer votre ménage, la terre, le bétail, vos enfants, et cela suffit. Mais apprenez avec zèle ce que c’est le Christ, il vous enseignera le reste ; vous connaîtrez ainsi Dieu et vous-mêmes, ce qu’aucune doctrine naturelle, aucun professeur naturel ne saurait vous dire (XIII, 264). » « Celui qui est bien malheureux, dit Augustin (dans les Confessions, 5, 4) qui connaît toutes les créatures sans connaître toi, ô mon Dieu bien heureux est celui qui te connaît sans les connaître. » on peut citer une quantité innombrable de passages comme ceux-là, sans en apprendre autre chose que l’indifférence singulière du christianisme dogmatique à l’égard des sciences et des beaux-arts, et il me répugne d’entendre cette frivolité de nos chrétiens modernes, ou mieux dit de nos pseudo-chrétiens (St. Augustin et les autres grands athlètes de la religion mystique ne les reconnaîtraient assurément point pour frères), quand elle nous vante toujours comme le glorieux résultat du christianisme la civilisation et la culture des nations modernes. Voyez plutôt avec quelle sincérité nos anciens chrétiens s’expriment sur ce point : « Pourquoi, mon cher Érasme, écrit Luther