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QU’EST-CE QUE LA RELIGION

Beaucoup de beaux et magnifiques exploits scientifiques ont eu lieu dans le catholicisme, mais gardons-nous de les appeler ses résultats. Hroswithe au dixième siècle, la nonne allemande qui lit et imite les comédies de Térence, avoue qu’elle commet une faute antireligieuse. Saint-Ignace de Loyola déteste les études scientifiques au plus haut degré, par ce qu’il les fait dans un but pieux et partant opposé à la science : propter degustatam spiritus suavitatem a studiis litterarum abhorrebat (Ribandaneira, 69). En un mot, ce que des moines ont fait pour les sciences, n’a que la valeur d’une aumône jetée à l’esprit scientifique.

Il serait peu juste de mépriser ce qui dans quelques ordres a été exécuté, par quelques individus qui portaient dans leur âme plus que tous les autres une inextinguible soif de penser et de rechercher, mais il ne faut point estimer cette aumône prix égal à l’amour sacré qui fait de la science à cause de la science, et qui n’a plus besoin de placer la lumière sous le boisseau.

Érasme est un exemple de cette belle émancipation du génie littéraire et scientifique : ad litteras tantum rapiebatur animus. écrit-il au prieur de son couvent,et il le quitte pour toujours.

Les jésuites, tout en faisant de la science une de leurs occupations principales, n’y ont jamais eu un autre but que la propagande religieuse ; les sciences ne sont à leurs yeux qu’un instrument, le moyen est sanctifié par le but. Ils ont tort de ne pas avoir pardonné à Descartes ; ce penseur était assez bon catholique pour écrire : « peut-être Dieu est-il capable de rendre vraies à la fois deux notions contradictoires, une vallée par exemple qui est en même temps une montagne. » Machiavel, l’hérétique Vanini ont dit de semblables erreurs. Partout c’est la croyance aux miracles qui occasionne les faiblesses momentanées de ces grands lutteurs de l’idée : « Les médecins, dit Luther, quand ils attribuent les maladies mentales à des causes naturelles et non au démon, ignorent à ce qu’il paraît combien est grande sa puissance. » Et Réaumur, pour avoir cité Peircscius, qui avait démontré que la fameuse pluie de sang, très redoutée par les fidèles d’alors, n’était rien autre choses que des excréments d’insectes, fut blâmé par les journalistes de Trévoux de la manière suivante : « Le public a toujours droit de s’alarmer, il est coupable, et tout ce qui rappelle l’idée de la colère d’un Dieu vengeur, n’est jamais un objet faux de quelque igno-