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L’ESSENCE DU CHRISTIANISME

sous ce sceau les institutions étaient pétrifiées et avaient fini par devenir de l’infamie toute pure. Mais, n’oublions jamais que le désir inextinguible et absolu de trouver en soi une boussole, est inné à l’esprit humain ; l’esprit sent l’urgence d’avoir un pivot immuable ; c’est à cette condition qu’il doit être libre au moins dans son monde à lui (III. 526) », et il ajoute à ces mots sublimes le mot plus sublime et plus grandiose que voici :

« La religion, dans son autorité, abstraite et rigide, jette le gant à la philosophie en disant Les portes de l’enfer ne prévaudront pas sur moi ; il faut répondre que les portes de la raison sont plus puissantes que celles de l’enfer (I, 97). »

« L’essence de l’univers, messieurs (disait-il dans un discours à ses auditeurs berlinois) est cachée, il est vrai, mais elle n’a pas une force qui pourrait à la longue résister au courage de la recherche scientifique. L’univers doit s’ouvrir à la science consciencieuse, il doit montrer ses trésors et ses profondeurs aux yeux de l’homme afin que celui-ci en puisse jouir. » « Gardons-nous de faire croire que nous voudrions laisser la religion intacte et inattaquée (I, 81) ; parlons au contraire tout franchement, publiquement, hautement, sincèrement du contraste qui existe entre la religion et la philosophie, en termes clairs et précis, ce que les Français appellent aborder la question. Évitons ici les ambages, comme si l’objet était trop délicat, ne cherchons pas des détours, des excuses, des tours rhétoriques ou poétiques avec cela personne n’y entendrait plus rien (I, 97). » « Il est un point où le Christ dit présent et inhérent à l’âme humaine, se retire rapidement de deux mille ans en arrière ; il est relégué dans une petite province de Palestine : devenu personnage historique, il reste désormais loin, fort loin à Nazareth, à Jérusalem. Mais ne nous arrêtons pas à ce point historique, ce serait renier l’esprit. Car l’esprit ne veut pas des mensonges, et dire que le Christ a été jadis là-bas une fois en Palestine, et maintenant encore quelque part, mais au-delà de l’univers matériel, dans le ciel par exemple, Dieu sait où, serait un mensonge contre l’esprit, qui est parfaitement infini et universel, qui s’entend et se comprend lui-même, mais jamais dans les bornes de l’espace et du temps. L’esprit dans l’infinité est au-dessus de tout cela (I, 90) ; » ici Hegel parle encore un peu en métaphysicien scolastique.