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ÉPÎTRE
À MA PARESSE.


Je me livre à toi pour toujours,
Aimable et douce enchanteresse :
Tu fais le charme de mes jours ;
Ne me quitte jamais, ô ma chère paresse !
Si tu ralentis mes désirs,
Tu modères aussi mes craintes, mes alarmes,
Et si tu me privas quelquefois de plaisirs,
Tu m’épargnas souvent des regrets et des larmes.
Sur l’océan des passions,
Sans toi, j’exposois mon jeune âge :
Tu peignis à mes yeux des combats, un naufrage,
Et, grâce à tes réflexions,
Je demeurai sur le rivage.
Tu me prouvas encor que la tranquillité,
L’un des fruits de mon ignorance,
Valoit mieux que la vanité
Et les erreurs de la science.
Si quelquefois de la faveur,
Des richesses, de la grandeur,
Je désire la vaine gloire ;
Si, pour elle, je veux délaisser nos hameaux,
Tu retraces à ma mémoire,
Et les brigues et les complots
Dont il faut toujours se défendre ;
Et les noirceurs et tous les maux
Qu’il faut souffrir et qu’il faut rendre,
Pour mériter un jour de prendre
Le nom d’esclave ou de flatteur.