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Les femmes et le jeu, le vin, dettes, procès,
Ont bientôt épuisé sa bourse.
D’aucun plaisir ne pouvant s’amuser,
Trop orgueilleux pour s’abaisser
À chercher honnête ressource,
Il gagne et passe ses trente ans
Malgré la belle prophétie ;
Et le voilà dans son printems
N’ayant d’autre bien que la vie,
Şi c’en est un quand la folie
A dégradé nos sentimens.
Qui le croiroit ? L’expérience
N’avoit point affoibli sa sotte confiance.
Un jour qu’il promenoit son dévorant ennui,
Il voit au coin d’une masure
Des diseurs de bonne aventure.
Sa curiosité l’emporte malgré lui ;
Il veut encor savoir quand l’inflexible Parque
A décidé qu’il passeroit la barque.
Bohémienne s’approche ; il présente sa main :
Quelle ligne de vie ! on n’en voit pas la fin,
Lui dit cet vieille sorcière
À l’œil hagard, à la voix de Mégère ;
Toujours pauvre vous resterez,
Mais plus de cent ans vous vivrez ;
Je vous l’assure en conscience.
Notre homme alors perd patience :
Cette prédiction rappelle ses douleurs ;
Il ne voit devant lui qu’un siècle de malheurs
Et de misère et de souffrance ;
Et dans son galetas, revenu vers le soir,
Agité, tourmenté par sa fausse croyance,
Il meurt enfin de désespoir.