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368 SÉBASTIEN CASTELLION. derait sur ces dogmes comme on s’acc0rde sur l’unité de Dieu. En cet état d’obscurité indéniable des questions contro- versées, que faire? F airc, entre chrétiens, ce que nous faisons avec les Juifs et les Turcs : 11ous supporter les uns les autres. Les Juifs et les Turcs ne nous exterminent pas, nous ne pou- vons pas non plus les exterminer. De même entre chrétiens au lieu de nous condamner, si nous sommes plus savants, prouvons—le en étant meilleurs et plus miséricordieux : plus on connaît la verité, moins on est enclin a condamner. Celui qui condamne les autres ne prouve qu’une chose, c'est qu’il manque de patience : il 11e sait rien encore, puisqu’il ne sait même pas supporter autrui. Voici comment conclut l’auteur de cette p1·eface. Nous transcrivons encore in extenso sa péroraison, qui, à force de bon sens, d’élévation morale ct d’esprit évangélique atteint, on va le voir, la véritable éloquence : Si nous nous gouvernious ainsi, nous pourrions vivre ensemble pai- · siblement : ja soit que ce pendant fussions en discord en autre chose, au moins nous conseutirions ensemble, et nous accorderions en amour mutuelle, laquelle est le lien de paix,jusques à ce que fussions parvenuz à unite de foy. Car ce pendant que nous combatons les uns contre les autres par haines et persécutions, il advient qu’en ce faisant nous allons tous les jours de pis en pis, et ne sommes aucunement soutenans de notre office. Ce pendant que nous sommes occupez à condamner les autres, l’Evangile est blasmé entre les Gentils, par nostre faute. Car quand ils nous voient courir les uns sur les autres furieusement à la manière des bestes, et les plus faibles estre oppressez par les plus forts, ils ont l’Evangile en horreur et detestation, comme si l’Evangile faisoit les hommes telz; et ont Christ en detestation, comme s’il avoit commandé de faire telles choses : tellement qu’en ce faisant nous deviendrions plus test Turcs ou Juifz, qu’eux ne deviendroient Chrestiens. Car, qui est-ce qui voudroit devenir chrestien, quand il voit que ceux qui confessent le nom de`Christ, sont meurtris des Chrestiens, par feu, par eaue, par glaive, sans aucune miséricorde, et traictez plus cruel- lement, que des brigands ou meurtriers? Qui est-ce qui ne penseroit, que Christ fust quelque Moloch, ou quelque tel Dieu, s’il veut que les hommes luy soyent immolez, et bruslez tout vifz? Qui est-ce qui vou- droit servir à Christ à telle condition, que si maintenant entre tant de controversies, il est trouvé discordant en quelque chose avec ceux qui ont puissance et domination sur les autres, il soit bruslé tout vif, parle commandement de Christ, mesme plus cruellement que dedans le tau- 1·eau de Phalaris? Voire quand il reclameroit Christ 1`1 haute voix au milieu de la flamme et crieroit à. pleine gorge qu’il croit en luy. .