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Quelle était l’opinion du traducteur sur l’inspiration des livres saints ? Qu'il y crut, cela ne faisait nul doute. Mais comment l’entend-il? La croyance commune admettait, plus strictement encore chez les protestants que dans l’Église catholique, l’inspiration plénière et littérale. Si le traducteur l’acceptait, son rôle était tout trace : le texte sacré étant à ses yeux l’œuvre même de Dieu, il n’avait qu’a le reproduire avec un minutieux scrupule, non pas seulement à la lettre, mais pour ainsi dire mot par mot. Tel avait eté en général le point de vue des interprètes protestants de la Bible, du moins en France, car il faut faire exception pour Luther, qui avait eu des hardiesses de génie.

C’est d’une tout autre manière que Castellion comprend l’inspiration des Ecritures; il s’en explique en différents endroits avec un calme qui trahit encore plus de candeur que de courage. Voici, par exemple, ce qu’il ecrit en tête de sa Bible francaise, sous ce titre : Le moyen pour entendre la Sainte Écriture ‘. ,

Ainsi que l’homme et fait du cors e de l’âme, tellement que le cors et le logis de l’ârne : ainsi les saintes écrittures sont faites de la Ietre et de l’esperit, tellement que la letre êt comme une boîte, gosse ou coquille de l’esperit.

De cette simple distinction il va tirer les plus grandes consequences. Celle-ci d’abord : qu’y a-t-il d’inspiré dans la Bible ? est-ce la lettre ? non, mais l’esprit et seulement l’esprit.

Des 1546, Castellion le dit expressément dans la préface et dans les notes de son Moses latinus. Ici il va plus loin. Et aussitôt apres la phrase que nous avons citée, qui assimile la lettre et l’esprit du livre au corps et à l’ame de l’homme, il ajoute. celle-ci :

E comme les bêtes peuvent bien voir le cors d’un homme, e ouir sa voix: mais elles ne peuvent voir son âme, ni entendre son parler, sinon quelque peu de mots, voire ii grand peine : ainsi les méchans peuvent bien voir la lettre, e ouir les mots des saintes écrittures, que c`êt qui

1. Dans toutes les citations de la Bible française nous reproduisons l'orthographe particulière adoptée par Castellion. (Voir ci-nprès.)