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172 SÉBASTIEN CASTELIÃION. · adage, éclate comme un cri du cœur. Ainsi a la fin du dia- logue ou l’on a vu Élie aux prises avec les prêtres de Baal : Les hommes injustes accusent les justes des maux dont eux-mêmes sont les auteurs .... Le monde est plein d’impies, et bien petit est le nombre des hommes pieux. Il faut souvent croire davantage a un seul homme qu’a mille, car la sagesse appartient a un petit nombre. 0 aveugle humanité, quand done verrez-vous cette vérité? Quelle · ` lumière penétrera enfin vos yeux? Ne deviendriez-vous jamais sages que trop tard? Ah! puisse venir un autre Elie qui par l’ardeur de l’esprit et de la parole fasse descendre du ciel sur la terre le feu de la charité ·` pour enflammer le sacriüce de nos prières et faire que Dieu seul désormais soit exalte il ' Ce parti p1·is de mépriser le nombre et la tradition, cette conliance inébranlable dans le sens intime, n`est-ce pas la pre- miere nécessité de l’éducation protestante? De la it un incor- rigible orgueil, la pente serait glissante, mais notre mora- liste n’y glissera pas. Comment s’en défend-il? C’est le secret de la fameuse doctrine qui de saint Paul a saint Augustin et de Calvin a Jansénius a su·porter au plus haut degré l’énergie ' de la volonté chez l’homme tout en lui déniant jusqu’a la moindre parcelle de liberté. Dieu, toujours Dieu, rien que Dieu, sa volonté, sa puissance, sa justice, la sienne et non la notre, son droit absolu et le notre réduit a néant, la négation pure et simple de toute limite apportée aux prérogatives divines : tel est le dernier fond de cette morale qui semble- rait devoir briser tout ressort dans l’homme. Au contraire : elle lui donne une force invincible. Elle permet, elle ordonne a un seul individu de tenir tete a toute une société. Elle se fonde, pour lui en inspirer la force, non pas sur la dignité humaine, mais sur quelque chose d’inliniment plus grand, la souveraineté divine. Ce n’est pas le droit 'de l’liomme, c’est le droit de Dieu qui sert de point d’appui a l’opprimé. Si cette tète refuse de se courber sous le joug de l’autorité, ice n’est pas au nom de sa raison, de sa conscience, c’est au nom de Dieu, seul maître, seul juge, seul souverain. Ce saisissant paradoxe, que les théologiens et les philoso- phes expliquent, dont l’histoire constate avec admiration les 4 prodigieux effets, nulle part on ne le trouvera plus clairement 1. rw. n, nm. Jszm. _