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110 SÉBASTIEN CASTELLIUN. l`oublie en lui, n’ayant découvert comme fin de toute vie et comme fond de tout être, que Dieu. Est-ce froideur, sécl1e— resse et dureté d’àme‘? Non, mais plutôt le puissant effet d’une pensée et d’une volonté qui supprime tout l’accessoire pour se donner entiere, pure, ardente, à la vérité éternelle, ai la parfaite sainteté. Et comniunier d`ame ài ame dans ce sentiment même du détachement absolu, se reconnaître freres par une affection devenue en quelque sorte impersonnelle, tant elle est désintéressée, n’ain1er plus dans l’l1omme que ce qui est de Dieu et ne se rencontrer que dansla priere aujourd’l1ui, dans le martyre demain; ce n’est pas de l’in- sensibilité, c’est une forme stoïque du sentiment : peu d’l1ommes en ont éprouvé comme Calvin les austeres délices. Au moment ou .Castellion arrivait, le seminaire imp1·o- visé chez Calvin venait de fournir une premiere` promotion de jeunes pasteurs ou professeurs formés sous ses yeux. La plupart étaient des Français proscrits de Geneve avec lui. Le premier en date est un jeune maître français, Michel Mulot, que Pierre Toussaint, le réformateur du pays de Mont- béliard, avait emmené de Geneve et attaché des 1537 au eol- lege de Montbéliard : on sait que ce petit comté, gouverné pa1· le comte Georges de \Vurtemberg, avait proclamé la Réforme peu de temps apres Geneve. Et l’une des toutes pre- mieres œuvres de la Réforme fut de convertir in ztsztm schotœ les << rentes des confréries >> abolies. Le succes de l’école fut prompt et, au bout de quelques semaines, Toussaint n’l1ésitait pas a dire : « Le college fera plus pour l’Évangile que tous nos sermons. L’avenir est là, ajoute—t—il, in pteritm recte in- stitztta aut institztemta ‘. >> Mais des qu’il sut Calvin à Stras- bourg, rien ne put retenir le jeune professeur a Montbéliard. Calvin essaye en vain de le dissuader. Sa passion pour l’étude lui fait braver la misère. Calvin, en le voyant de près, s’intéresse de plus en plus a lui : il le dépeint _comme un brave jeune homme, d’un jugement qui n’est peut-être pas tres per- 1. Lettres de P. Toussaint. 27 déc. 1537 et 1S février 1538. Michel Mulot ne réussit pas ppîppjetement; il lui manquait d’être calligraphe, qualité alors indispensable pour un insti-