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A ABA 3


mérite de subir : chiffons à brûler, fille à marier ; bois à couper ; arbre à planter ; terre à vendre ; procès à terminer ; compagnie à éviter ; coquin à pendre ; homme à mépriser, etc.

13°. Par les effets conséquens : matière à procès ; dispute à ne jamais finir ; conseil à vous perdre ; entreprise à vous ruiner, etc.

14°. Par la manière d’exécuter : aller à grands pas ; courir à toute bride ; discourir à bâtons rompus ; acheter à la douzaine, vendre à l’enchère, etc.

15°. Par ce qui énonce ce que la chôse qualifiée produit ou peut produire : bon à purger ; propre à guérir ; disposé à servir ; habile à peindre, etc.

16°. Par ce qui énonce ce dont la chôse est l’objet et non l’agent : bon à manger ; dur à digérer ; facile à comprendre ; dangereux à fréquenter, etc.

17°. Par l’objet de l’action : monter à cheval ; avoir à écrire ; préparer à manger ; offrir à boire ; être encore à commencer, etc.

18°. Par le point jusqu’où va la chôse : plaine à perte de vue ; sot à l’excès ; sévère à outrance, etc.

19°. Par le modèle ou la ressemblance : bonnet à la turque ; dessin à la chinoise ; coiffure à l’antique ; habit à la mode ; pardoner à l’italienne ; régaler à la française, etc.

20°. Par l’aprêt : sauce à l’oignon ; pigeon à la crapaudine ; poulet à la marinade ; peinture à l’huile ; poudre à la maréchale.

21°. Par l’instrument : bâs à l’aiguille ; gravûre à l’eau forte ; cuit à la broche, etc.

22°. Par le contenu : pot à l’eau ; bouteille à l’encre ; grenier à foin ; coffre à l’avoine, façade à quinze croisées, etc.

23°. Par ce qui fixe le titre ; Conseiller à la Cour des Aides ; Procureur à la Sénéchaussée ; commis à la Recette générale, etc.

24°. Par le signalement : femme à la hotte ; homme à la cocarde ; Dame à la robe rouge ; boule à la marque noire, etc.

25°. Par le but de la qualification : utile à la santé ; désagréable à l’oreille ; contraire à ses intentions, etc. Girard.

Dans les exemples donés, l’Abbé Girard, dans la crainte d’embrouiller les idées, n’a pas mis ceux où la prép. à fait syncope avec l’article : comme, marrons au sucre ; soupe aux choux ; au et aux ne sont que des contractions de : à le, à les. C’est une remarque à faire pour les exemples suivans.


A prép. quoique du département des prépositions spécificatives, sert encore à d’autres indications, qui la rendent collocative, ordinale, unitive et terminale.

Elle est collocative, lorsqu’elle indique le lieu ou la place ; demeurant à Paris ; se placer à la tête ; être à deux pas ; rester à la porte, etc.

Elle est ordinale dans les ocasions où elle détermine un ordre de marche : deux à deux, pas à pas, etc.

Elle est unitive pour les circonstances du temps, de la convenance et du motif : à midi ; à présent ; à votre commodité ; à la pointe du jour ; à la belle étoile ; à votre considération ; à la fortune du pot, etc.

Enfin elle est terminale dans les ocasions où elle sert à exprimer le but de l’action ou le terme de la chôse : réduit à l’aumône ; se livrer au bien public ; de vous à moi ; de dix à douze ; à votre santé. Gir.

A pour ou : deux à trois. Il est moins bon que deux ou trois. Voy. ou conjonction.

Rem. C’est une cacophonie de mettre trop d’a dans la même phrâse, comme a fait par exemple M. de la Harpe. * " C’est raisoner étrangement que de dire à un homme qu’il n’a dû sa célébrité qu’à sa méchanceté ; et de l’inviter à renoncer à la seule chose qui l’a rendu célèbre. — Ce mêlange trop fréquent et trop raproché d’à préposition et d’a 3e. pers. du v. avoir, produit un mauvais éfet.

* ABAIE. C’est ainsi qu’écrit Richelet, qui veut pourtant qu’on prononce Abéie. Il était ennemi de l’y, et l’a retranché par-tout. Voy. Abbaye. Voy. aussi Aï.

ABAISSE, s. f. [Pron. Abèce ; 2e. è moyen et long, 3e. e muet.] Pâte qui fait le dessous. (Rich. Trev.) ou le fond (Acad.) d’une pièce de pâtisserie. === Abaisse et Abbesse se prononcent à peu près de même ; mais le son de l’e est plus ouvert et plus long dans le 1er. que dans le second.

ABAISSEMENT, s. m. [Abèceman : 2e. è moyen et long, 3e. e muet; en y a le son d’an.] Diminution de hauteur. Voy. Bassesse.

Rem. Suivant La Touche, il ne se dit guère qu’au figuré:je ne crois pas, dit-il, que l’abaissement d’une muraille, d’une montagne soient de bonnes expressions; mais on dit fort bien, p. ex. l’élevation des uns vient souvent de l’abaissement des autres : et Racine a fort bien parlé, quand il a dit dans son Iphigénie.