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PREFACE xj

Définitions.

IV. Les Définitions des mots ont été assez peu réfléchies par les Auteurs des Dictionaires : et l'on ferait un gros Volume de Remarques sur cet article. Nous n'en avons fait que sur celles, qui sont les plus importantes, ou dans lesquelles il y a plus d'obscurité ou d'erreur. Le plus souvent, nous avons emprunté celles, qui se troûvent dans le Dictionaire de l'Académie, que nous ne confondons point avec les aûtres. Elles sont ordinairement les plus claires et les plus précises. Parmi les Exemples, qui les éclaircissent, et qui sont, nous ôsons le dire, souvent prodigués sans nécessité, nous avons choisi ceux, qui pouvaient mieux en justifier l'heureûse aplication. Enfin nous leur avons doné un nouveau jour par la comparaison des Synonymes, tirés de divers Auteurs, surtout de l'excellent Traité de l'Abbé Girard, et des ingénieuses augmentations, qu'y a faites M. Beauzée. Nous avons également profité du nouveau travail de M. l'Abbé Roubaud, dans les articles, qui sont susceptibles d'extrait. Nos propres réflexions nous ont fourni des additions, qui rendront cette partie plus complète. = Quant aux diférentes Acceptions des mots, nous les avons raprochées, le plus qu'il a été possible, pour en rendre le raport ou la diférence plus sensibles ; et nous les avons cottées et marquées d'un chifre, pour faciliter les renvois ou d'un mot à un aûtre, ou des diverses remarques faites sur le même mot.

Remarques.

V. Ces Remarques sont la partie la plus considérable et la plus intéressante de notre travail. Elles ont pour objet les Régimes des Verbes, des Noms, des Adverbes, des Prépositions ; la Construction des mots, qui nous a paru être, malgré son importance, l'article le plus négligé par les Gramairiens et par les Critiques ; la distinction des persones, et des chôses dans l'emploi des mots, du sens propre ou figuré, du sens actif ou passif des noms, du sens afirmatif, ou négatif ou interrogatif des phrâses ; les diférents Styles et leurs nuances, plus variées peut-être dans la Langue Française que dans aucune aûtre Langue. Car outre le style poétique ou oratoire, le style élevé ou familier, dont on n'a pas toujours distingué les diférentes espèces ; il y a le style du Bârreau ou du Palais, où l'on parle une langue toute particulière ; le style médiocre ou de dissertation ; le style simple ou de conversation, qu'on ne doit pas confondre avec le style familier, qui a un degré de plus d'aisance et de liberté ; le style polémique, qui a ses licences, moindres pourtant que celles du style critique, qui, à son tour, en a moins que le style satirique ; le style badin, plaisant, ou comique, dont les nuances sont diférentes, et vont en enchérissant l'une sur l'aûtre ; le style marotique, qui se done encôre plus de libertés, moindres pourtant que le style burlesque. Nous avons profité de toutes les ocasions, qui se sont présentées, de marquer toutes ces diférences, que l'usage et le goût ont introduites dans l'emploi d'un grand nombre de mots.

Dans ce vaste champ de Remarques et d'Observations, nous avons recueuilli une abondante moisson. Nous nous sommes surtout atachés aux Poètes, pour deux raisons ; la première, c'est qu'on retient mieux les Vers que la Prôse, et que les incorrections de style, inévitables dans la Poésie Française, peûvent, à caûse de cela, induire plus facilement en erreur ; la seconde, c'est que la contrainte de la mesûre et de la rime et le droit des inversions, jettent comme nécessairement dans des fautes gramaticales, qui pâssent trop aisément pour des licences autorisées, parceque l'harmonie des Vers les dérobe facilement aux yeux et aux oreilles. Pour s'en apercevoir, il faut déranger la Construction. Alors on est étoné de trouver souvent dans les plus beaux Vers des barbarismes et des solécismes. ([1]) = Ce n'est pas que nous condamnions tout ce que nous relevons : mais il nous a paru utile d'avertir de ce qui n'est pas selon l'exactitude gramaticale, pour qu'on ne l'imite point dans la prô-

  1. (*) Lorsque le Dictionaire Gramatical parut, on me reprocha trop de sévérité envers Molière. Voici ce qu'en dit La Bruyere. " Il n'a manqué à Molière que d'éviter le jargon et le barbarisme, et d'écrire purement.