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Ainsi, M. llaton de la Goupillière, illustre mathématicien et grand professeur, était d’avis de réduire l’enseignement des mathématiques à l’Ecole supérieure des mines à ce qui est utile aux élèves pour traverser l’Ecole. Mon opinion ne pouvait être appuyée par une plus grande autorité. Reste la question de savoir si l’étude des mathématiques supérieures doit prendre plusieurs années de la vie des futurs ingénieurs dans l’unique espoir de former leur jugement.

Que l’étude des mathématiques élémentaires contribue à former le jugement, comme toute autre branche de la culture générale, je le crois fermement ; mais que la culture intensive des mathématiques supérieures, infligée sans nécessité aux futurs ingénieurs, ait le même effet, je n’en crois rien. La culture excessive d’une science quelconque est nuisible à la santé physique et à la santé intellectuelle ; l’étude dos mathématiques ne fait pas exception à la règle ; poursuivie longuement avec intensité, elle ne laisse intacts (pie les cerveaux très bien équilibrés. On cite des mathématiciens transcendants dépourvus de raison pratique ; les hommes de bon sens, non mathématiciens, sont innombrables. Auguste Comte a fait remarquer que les faits mathématiques sont les plus simples, les moins complexes et aussi les plus « grossiers » des phénomènes, les plus abstraits ou les plus pauvres, les plus éloignés de la réalisation, par opposition aux faits sociaux qui sont les plus complexes et les plus subtils.

Si le jugement dépendait d’une plus ou moins grande possession de connaissances mathématiques supérieures, l’humanité en eût été bien longtemps privée, et de nos jours peu de personnes pourraient y prétendre ; avocats, prêtres, médecins, littérateurs, commerçants, en seraient dépourvus, et tous les contre-maîtres dont le robuste bon sens fait souvent la principale force de 1 Industrie, et toutes les ménagères qui administrent si merveilleusement leur modeste ménage,