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des œuvres qu’elle inspira n’était que le prélude aux revanches prochaines d’une sensualité impossible à contenir : l’Inde, un moment séduite par tant de grâce et de raison y réservait son immense domaine dans le sourire errant des bouches, la flamme étouffée, l’énervement, l’ascétique maigreur des corps. La colonne pure qui soutenait les frontons lumineux sur toutes les acropoles d’Occident et que le nord de l’Inde introduisit jusque dans le sud avec le prosélytisme religieux, alla se noyer dans le pullulement démesuré des forêts de pierre vivantes. L’Inde assimila tout, transforma tout, submergea tout sous la marée montante de sa force qui remuait. Des civilisations grandioses passaient sur elle, semaient ses déserts et ses bois de cadavres de villes. Qu’importe. Ici ni le temps, ni les hommes ne comptent. L’évolution revient à chaque instant sur elle-même. Comme une mer, l’âme hindoue est éternellement mobile entre des rivages arrêtés. À aucun moment on ne peut dire : voici la montée de la race, son apogée, sa chute. Dans le creuset des noyaux fondent, d’autres sont liquides et brûlants et d’autres froids et durs. L’Inde est l’énigme, l’être protée, insaisissable, sans commencements, sans fins, sans lois, sans buts, mêlé à tout, seul pourtant dans son ivresse qui ne peut pas s’épuiser. Ainsi, l’art aristocratique et plus abstrait du Nord, bien qu’on y puisse retrouver les traces des civilisations méditerranéennes, de la Chaldée et de l’Égypte à l’Europe féodale et néo-païenne, reste au fond aussi foncièrement indien que l’art des Dravidiens méridionaux. En montant du Dekkan vers l’Himalaya, la pyramide s’est arrondie. Dans l’Inde moyenne, elle est curviligne, et bien qu’encore rayée comme la peau des tigres, moins surchargée d’ornements et presque sans statues. Dans la vallée du Gange, au contact du dôme persan, l’incurvation s’accuse encore et la voûte, faite de dalles étagées, prend la forme de la coupole ou du kiosque soutenu par des piliers frêles. Hémisphériques, ovoïdes, ventrus, écrasés ou renflés, polygonaux ou circulaires, les dômes nus comme ceux des mosquées ou ciselés comme les pyramides dravidiennes et sommés