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écho indien des ivresses mystiques par qui le saint frisson de la vie universelle est entré dans l’ordre occidental. On a vu la Grèce, entraînée par Alexandre, déposer dans l’âme trouble et lasse de l’Inde, l’étincelle inspiratrice. Rome doit subir à son tour le sensualisme de l’Asie quand elle lui porte la paix… Le mouvement épuisait peu à peu son rythme. Il était nécessaire qu’un grand repos succédât à la dépense d’énergie d’où sortit l’avenir du monde, et que la nature de l’homme se repliât sur elle-même pour imposer à son esprit trop tendu, à ses sens pervertis, l’oubli de leurs conquêtes et le désir de remonter à leurs sources naturelles.

Du jour où l’unité de l’âme grecque commence à se dissocier, où deux courants se dessinent dans la pensée des philosophes et la sensibilité des artistes, où Platon et Praxitèle opposent la vie spirituelle au matérialisme de Lysippe et d’Aristote, de ce jour la jeunesse des hommes a cessé d’enchanter le monde. Leurs tendances antagonistes, le rationalisme qui brise l’élan de l’instinct, le sensualisme qui détraque la volonté conduisent l’une et l’autre à la négation de l’effort. Et le sceptique et le mystique ouvrent le chemin aux apôtres qui viennent semer dans le cœur inquiet des multitudes, avec le remords d’avoir vécu trop pleinement, la soif de racheter l’impureté du corps par une telle exaltation de l’âme, que mille ans seront nécessaires aux peuples occidentaux pour qu’ils retrouvent, dans un nouvel équilibre, leur dignité.

C’est par la fusion dans le courant spiritualiste de la métaphysique et de la morale, par la projection hors de nous-mêmes, qui sommes mauvais et corrompus, d’un absolu vis-à-vis duquel nous avons le devoir de nous repentir d’être nés, que le monothéisme se formula pour la première fois avec intransigeance dans la doctrine des prophètes hébreux. Dieu, désormais, était sorti du monde, l’homme ne pouvait plus l’atteindre qu’au-delà de sa propre vie. Cette prétendue unité divine des théologiens installait dans notre nature ce terrible dualisme qui fut à nous tous, sans doute, et qui reste à chacun de nous une épreuve indispensable. C’est lui qui nous a fait errer