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DRO
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« VII. — Le droit de manifester sa pensée et ses opinions, soit par la voie de la presse, soit de toute autre manière, le droit de s’assembler paisiblement, le libre exercice des cultes ne peuvent être interdits.

« La nécessité d’énoncer ces droits suppose ou la présence ou le souvenir récent du despotisme.

« VIII. — La sûreté consiste dans la protection accordée par la société à chacun de ses membres pour la conservation de sa personne, de ses droits et de ses propriétés.

« IX. — La loi doit protéger la liberté publique et individuelle contre l’oppression de ceux qui gouvernent.

« X. — Nul ne doit être accusé, arrêté ni détenu, que dans les cas déterminés par la loi et selon les formes qu’elle a prescrites. Tout citoyen, appelé ou saisi par l’autorité de la loi, doit obéir à l’instant ; il se rend coupable par la résistance.

« XI. — Tout acte exercé contre un homme hors des cas et sans les formes que la loi détermine, est arbitraire et tyrannique ; celui contre lequel on voudrait l’exécuter par la violence a le droit de le repousser par la force.

« XII. — Ceux qui solliciteraient, expédieraient, signeraient, exécuteraient ou feraient exécuter des actes arbitraires sont coupables et doivent être punis.

« XIII. — Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi.

« XIV. — Nul ne doit être jugé et puni qu’après avoir été entendu ou légalement appelé, et qu’en vertu d’une loi promulguée antérieurement au délit. La loi qui punirait des délits commis avant qu’elle existât, serait une tyrannie ; l’effet rétroactif donné à la loi serait un crime.

« XV. — La loi ne doit décerner que des peines strictement et évidemment nécessaires : les peines doivent être proportionnées au délit et utiles à la société.

« XVI. — Le droit de propriété est celui qui appartient à tout citoyen de jouir et de disposer à son gré de ses biens, de ses revenus, du fruit de son travail et de son industrie.

« XVII. — Nul genre de travail, de culture, de commerce, ne peut être interdit à l’industrie des citoyens.

« XVIII. — Tout homme peut engager ses services, son temps ; mais il ne peut se vendre, ni être vendu ; sa personne n’est pas une propriété aliénable. La loi ne reconnaît pas de domesticité ; il ne peut exister qu’un engagement de soins et de reconnaissance entre l’homme qui travaille et celui qui l’emploie.

« XIX. — Nul ne peut être privé de la moindre portion de sa propriété, sans son consentement, si ce n’est lorsque la nécessité publique légalement constatée l’exige, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité.

« XX. — Nulle contribution ne peut être établie que pour l’utilité générale. Tous les citoyens ont le droit de concourir à l’établissement des contributions, d’en surveiller l’emploi et de s’en faire rendre compte.

« XXI. — Les secours publics sont une dette sacrée. La Société doit la subsistance aux citoyens malheureux, soit en leur procurant du travail, soit en assurant les moyens d’exister à ceux qui sont hors d’état de travailler.

« XXII. — L’instruction est le besoin de tous. La société doit favoriser de tout son pouvoir les progrès de la raison publique et mettre l’instruction à la portée de tous les citoyens.

« XXIII. — La garantie sociale consiste dans l’action de tous pour assurer à chacun la jouissance et la conservation de ses droits ; cette garantie repose sur la souveraineté nationale.

« XXIV. — Elle ne peut exister, si les limites des fonctions publiques ne sont pas clairement déterminées par la loi, et si la responsabilité de tous les fonctionnaires n’est pas assurée.

« XXV. — La souveraineté réside dans le peuple ; elle est une et indivisible, imprescriptible et inaliénable.

« XXVI. — Aucune portion du peuple ne peut exercer la puissance du peuple entier ; mais chaque section du souverain assemblé doit jouir du droit d’exprimer sa volonté avec une entière liberté.

« XXVII. — Que tout individu qui usurperait la souveraineté soit à l’instant mis à mort par les hommes libres.

« XXVIII. — Un peuple a toujours le droit de revoir, de réformer et de changer sa constitution. Une génération ne peut assujettir à ses lois les générations futures.

« XXIX. — Chaque citoyen a un droit égal de concourir à la formation de la loi et à la nomination de ses mandataires ou de ses agents.

« XXX. — Les fonctions publiques sont essentiellement temporaires ; elles ne peuvent être considérées comme des distinctions ni comme des récompenses, mais comme des devoirs.

« XXXI. — Les délits des mandataires du peuple et de ses agents ne doivent jamais être impunis. Nul n’a le droit de se prétendre plus inviolable que les autres citoyens.

« XXXII. — Le droit de présenter des pétitions aux dépositaires de l’autorité publique ne peut, en aucun cas, être interdit, suspendu ni limité.

« XXXIII. — La résistance à l’oppression est la conséquence des autres droits de l’homme.

« XXXIV. — Il y a oppression contre le corps social lorsqu’un seul de ses membres est opprimé. Il y a oppression contre chaque membre lorsque le corps social est opprimé.

« XXXV. — Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est pour le peuple, et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs. »

IV. Déclaration de l’An III (ou de 1795). — Le 17 Floréal An III (6 mai 1795), la grande « Terreur » étant close, la Convention nomma une commission pour réviser les lois révolutionnaires. Cette commission comprenait onze membres : Lesage (d’Eure-et-Loir), Daunou, Boissy d’Anglas, Creuze, Latouche, Berlier, Louvet, La Réveillère-Lépeaux, Lanjuinais, Durand-Maillane, Baudin (des Ardennes) et Thibaudeau. Elle rejeta unanimement la Constitution de 1793 dont certaines dispositions paraissaient, aux réacteurs de l’époque, « contraires à l’ordre social ».

Le 5 Messidor An III (23 juin 1795), Boissy d’Anglas présenta un projet à la Convention qui, après une longue discussion, adopta le texte définitif le 5 Fructidor (22 août 1795).

Soumise à l’approbation du corps électoral, la Constitution de 1795 fut acceptée par 914.853 voix contre 41.892. Elle était précédée de la Déclaration que voici :

« Le peuple français proclame, en présence de l’Être Suprême, la déclaration suivante des Droits et des Devoirs de l’Homme et du Citoyen :

Droits

« I. — Les Droits de l’Homme en société sont la liberté, l’égalité, la sûreté, la propriété.