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Versailles, loin de résoudre les divers problèmes inter-nationaux, n’a fait qu’envenimer les conflits qui divisent les différents capitalismes, et la Société des Nations, illustre mensonge, dont l’unique utilité est de tromper le peuple, n’est qu’un repaire où se réfugient les cuisiniers de la politique, pour préparer la sauce à laquelle nous devons être mangés.

Le 2 novembre 1921, Romain Rolland écrivait :

« L’humanité, déchirée par la guerre de cinq ans, est à la veille de guerres plus monstrueuses encore, où des millions de jeunes vies et toutes les espérances de l’avenir seraient immédiatement englouties.

« Si les femmes ne luttent pas avec la dernière énergie contre le fléau qui s’approche, que le sang de leurs fils retombent sur leurs têtes ; elles auront été complices du meurtre qu’elles n’auraient pas eu l’énergie d’empêcher. »

Eh bien ! L’heure de l’échéance approche. Les effets pernicieux de toutes les discussions intestines auxquelles se livrent les diplomates des diverses contrées du monde, ne peuvent tarder à se faire sentir.

Nous avons dit que la diplomatie n’a d’autre but que de masquer les causes de guerre, et que les guerres sont toujours déterminées par des conflits d’intérêts commerciaux, industriels ou financiers.

La récente guerre du Riff, qui nous fut présentée comme une guerre de libération des peuplades africaines asservies et courbées sous l’autorité d’Abd el-Krim, ne fait pas exception à la règle. Nous savons que le triomphe du chef Riffain eût été une source de profits pour certains groupes ou particuliers qui le commanditaient et auxquels il avait accordé de larges concessions territoriales, et que la France ne s’engagea dans l’entreprise marocaine, à la suite de différentes négociations diplomatiques avec l’Espagne, que parce que la finance française entendait exploiter à son bénéfice les richesses souterraines de la grande contrée nord-africaine.

C’est donc bien pour la possession des mines marocaines que se firent tuer des milliers et des milliers de soldats français, espagnols ou marocains, possession dont devaient hériter non pas ceux qui se faisaient ridiculement massacrer, mais leurs chefs, leurs maîtres, leurs exploiteurs.

Et c’est pourquoi nous fûmes étonnés lorsque certain parti d’avant-garde, usant de diplomatie, c’est-à-dire de mensonge, engagea le peuple à soutenir Abd el-Krim.

Les chefs de ce parti ignoraient-ils que celui qu’ils présentaient comme un héros dévoué à la grande cause « des peuples libres de se diriger et de se déterminer eux-mêmes » avait déjà livré :

À M. W. Muller : 2.000 hectares de terrain.

À M. André Teulon : 300 hectares de terrain.

À la Compagnie Maroco Minerals : 2.635 hectares.

À M. Muller : 1.995 hectares.

À la Compagnie Internationale du Minera : 6.400 hectares.

À une Compagnie italo-hollandaise : 1.600 hectares. etc… ?

Non, ils ne l’ignoraient pas, mais tout parti politique est entraîné dans diverses tractations, surtout lorsqu’il représente une puissance gouvernementale, et est, en conséquence, obligé d’user de ruses, de subterfuges de diplomatie.

La guerre du Maroc n’est que le prélude de conflagrations plus sanglantes et, dans les négociations diplomatiques qui se poursuivent à travers le monde, chaque ambassadeur, chaque ministre cherche, non pas à assurer la paix, mais à choisir pour la guerre l’heure qui lui paraît la plus propice au triomphe de la fraction du capitalisme qu’il représente.

Ils n’ignorent pas, les diplomates, que la guerre est inévitable ; ils sont convaincus que, de plus en plus, la situation deviendra plus critique, et qu’il faudra régler les différends dans le sang du peuple. Que leur importe après tout !

L’Amérique a besoin de caoutchouc pour son industrie automobile, mais l’industrie du caoutchouc est contrôlée dans une proportion de 75 % par le capitalisme anglais ; la France convoite les richesses métallurgiques du bassin de la Sarre, mais ce bassin appartient à l’Allemagne, qui le céda temporairement en vertu du Traité de Versailles, mais qui espère, malgré tout, en reprendre possession ; l’Italie veut la Corse et la Tunisie, mais ces contrées sont à la France, qui ne veut pas s’en séparer ; l’Angleterre a besoin de pétrole, c’est l’Amérique qui le possède et l’insatiable Albion jette les yeux sur les mines de Bakou ; et chaque pays, chaque nation, s’étudie, s’observe, se surveille, s’espionne par l’intermédiaire de ses diplomates, et cherche à affaiblir son voisin pour se jeter sur les richesses convoitées.

Afin d’assurer le succès du capitalisme qu’elle représente, la diplomatie détermine des alliances, prend des engagements, suscite des révoltes, fomente des troubles ; en un mot, elle se livre à de louches entreprises, et l’on comprend la raison pour laquelle la correspondance échangée entre un gouvernement et ses ambassadeurs nécessite un code spécial, indéchiffrable pour celui qui n’y est pas initié.

Se débarrasser de la diplomatie ou espérer qu’elle s’améliorera est une chimère tant que subsistera la forme actuelle des sociétés. La diplomatie est une branche de l’arbre capitaliste ; il est inutile de chercher à l’arracher ; comme toutes les plantes parasitaires elle repousserait avec rapidité. Il faut détruire l’arbre, il faut anéantir ses racines, afin que jamais plus il ne repousse et vienne, de son ombre, cacher les rayons lumineux de la paix et de la liberté. — J. Chazoff.


DIRECTION. n. f. (du latin directio). Côté vers lequel une personne ou une chose se dirige. La direction du fleuve, la direction de la route ; suivre la même direction ; quelle direction allons-nous prendre ? Prendre la bonne direction.

Le mot « direction » s’emploie également au figuré. Dans ce cas, il sert à signaler la façon, bonne ou mauvaise, de se conduire. « Ce garçon suit une mauvaise direction ». Il sert également à désigner l’organe dirigeant d’une entreprise, d’une affaire, d’une administration. La direction de l’usine ; la direction des postes ; la direction des contributions directes et indirectes. « Veuillez vous adresser à la direction ».

Au sens bourgeois du mot, « direction », suppose hiérarchie, chef, autorité, contrainte, etc., et cela se comprend, puisque, en vertu même de la morale et de la loi bourgeoises, celui qui dirige exerce sa volonté, devant laquelle doivent s’incliner tous ceux qui sont placés plus bas que lui dans l’échelle sociale.

On prétend, — bien à tort du reste, et cette insinuation est intéressée-, que les anarchistes, étant les adversaires de l’autorité, sont, de ce fait même, ennemis de « toute direction ». Présenter les choses sous un tel jour nous paraît plus que simpliste. Si les anarchistes sont, en effet, les adversaires acharnés de l’Autorité, parce qu’ils en ont compris les effets pernicieux, cela ne veut pas dire qu’ils ne comprennent pas l’utilité, la nécessité indispensable d’une « direction » dans toute affaire, dans toute entreprise groupant un certain nombre d’individus.

Seulement, à leurs yeux, « direction » ne peut en aucun cas être synonyme de supériorité personnelle et, s’ils admettent que toute chose doit être dirigée : c’est-à-dire conduite vers le but qui lui est assigné,