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Pays-Bas, du million de livres dû à l’Égypte, des 20 millions de pesos-or dus à l’Argentine, etc., etc., et nous dirons que la France a une dette publique de 570 MILLIARDS DE FRANCS et que, dans les années qui suivront celles de 1926, le peuple français devra trouver 25 milliards de francs par an pour payer l’intérêt de cette dette publique.

Un État a cependant d’autres dépenses que celles occasionnées par sa dette, et il a pour devoir d’y subvenir.

En 1913, toujours en nous servant de données officielles qui ne peuvent être démenties, 70 % du budget « demeuraient disponibles pour satisfaire aux besoins de la nation », ce qui revient à dire que ces 25 milliards que l’État demande par an ne représentent que 30 % de la somme qui lui est nécessaire, pour que son budget soit dans une situation identique à celle de 1913, ou :

( 25.000.000.000 X 100) / 30 = 83.333.333.333.33

soit en chiffres ronds : 83 milliards de francs par an que le travailleur français doit verser sous forme d’impôt, s’il veut que sa situation redevienne ce qu’elle était à la veille de la guerre.

Ce n’est pas à la légère que nous prétendons que la dette publique de la France ne peut aller qu’en s’augmentant et que rien ne peut permettre à un gouvernement d’échapper à de nouveaux emprunts.

Tous les objets, toutes les matières imposables l’ont été à leur extrême limite, les denrées de première nécessité ont été taxés par les divers gouvernements qui se sont succédés depuis 1919, au point de rendre la vie presque impossible aux travailleurs, obligés de se restreindre même dans leur nourriture ; et cependant les impôts directs et indirects du pays n’ont pas fourni aux gouvernements une somme supérieure à 45 milliards de francs. Or, les gouvernements, nous l’avons démontré plus haut, ont besoin pour stabiliser l’état financier de la Nation, de 85 milliards, près du double ; où iront-ils les chercher ?

Empruntant une formule chère aux politiciens socialistes, nous pourrions dire : « Il faut prendre l’argent où il se trouve », mais nous savons trop que ceux qui détiennent la richesse, entendent ne pas s’en démunir, et persistent à vouloir faire peser sur le peuple tout le poids des charges fiscales.

85 milliards d’impôts par an sont introuvables en France si l’on considère la situation des classes moyennes et des classes travailleuses. Le peuple a tout donné : son sang et son argent, et l’Etat l’a si bien compris, que durant les années antérieures à 1926, comprenant qu’il serait inutile d’essayer d’en tirer quelque chose de plus, il n’eût d’autre recours que l’emprunt pour faire face à ses dépenses.

Pour l’édification et la documentation de nos lecteurs, nous allons leur soumettre un tableau comparatif et des budgets et des emprunts de L’État français, entre les années 1913 et 1926 :

Années Budgets Emprunts
1913 5.067.000.000
1914 10.371.000.000 6.299.000.000
1915 22.120.000.000 20.708.000.000
1916 36.848.000.000 29.583.000.000
1917 44.661.000.000 35.633.000.000
1918 56.649.000.000 37.668.000.000
1919 54.956.000.000 51.331.000.000
1920 57.501.000.000 42.822.000.000
1921 46.492.000.000 31.120.000.000
1922 37.929.000.000 20.064.000.000
1923 37.929.000.000 27.761.000.000
1924 41.214.000.000 14.926.000.000

On remarquera que les emprunts de l’État français diminuent à dater de 1921. La raison n’est pas, comme on pourrait le croire, que les gouvernements n’ont plus besoin d’argent, mais bien au contraire qu’ils ne trouvent plus de créanciers, leur solvabilité étant douteuse : c’est à dater de ce moment que les difficultés grandissent et deviennent insurmontables.



Maintenant que nous avons établi avec un réel souci d’impartialité qu’elle est la dette publique de la France, il faut, pour que la vérité dans toute sa clarté soit respectée, avouer que la France est à son tour, créditeur de certaines sommes.

La dette publique de la France s’élève à près de 600 milliards, mais on lui doit :

La Russie… 6.023.300.000
La Yougoslavie… 1.738.566.000
La Roumanie… 1.132.000.000
Là Grèce… 537.514.000
La Pologne… 895.400.000
La Tchécoslovaquie… 542.200.000
L’Italie… 350.273.000
Le Portugal… 9.000.000
L’Esthonie… 3.500.000
La Latvie… 9.000.000
La Lithuanie… 2.300.000
La Hongrie… 800.000
L’Autriche… 331.926.000

TOTAL : 11.375.799.000

Soit un peu plus de onze milliards de francs. Est-ce être partial que de dire, que ce ne sont pas ces onze milliards de créances qui peuvent sauver le pays de la débâcle ? Ajoutons également qu’à titre de dommages de guerre, la France, dans les années qui suivront 1926, escompte récupérer de l’Allemagne quelques milliards. Il ne semble cependant pas que ce soit de ce côté que puisse venir le salut.



Quelle conclusion est-il possible de donner à cet exposé ? On reproche fréquemment aux éléments révolutionnaires et plus particulièrement aux communistes libertaires, de critiquer, de s’attaquer à des institutions, de détruire idéologiquement toute l’économie sociale moderne, mais de ne pas apporter de remèdes aux maux dont souffre la société.

Nous avons dit et nous ne pouvons que répéter qu’il n’y a aucun remède à puiser dans les formes d’organisations élaborées sur le capital. Le capital est la source même des maux, et c’est à lui qu’il faut s’attaquer si nous voulons tous guérir.

L’on conçoit que des hommes qui bénéficient du régime capitaliste cherchent à lui sauver la vie ; mais que des êtres qui en souffrent, qui en ont reconnu les vices, les tares, les erreurs, se refusent à se joindre à ceux qui le combattent, cela est incompréhensible.

Nous avons brossé rapidement la situation de la France, qui sera demain celle de l’Angleterre, de l’Italie, de l’Espagne, etc.… Même l’Amérique qui semble si bien assise sur ses monceaux d’or, n’échappera pas un jour à la débâcle et à la ruine. Les causes indirectes de cette débâcle peuvent ou pourront être différentes de celles qui affaiblissent la nation française, mais les causes directes seront les mêmes ; c’est le capital qui se désagrègera.

Le capitalisme a à son service des économistes compétents en matière financière ; ils se sont attelés à la besogne, ils ont cherché tous les moyens possibles et