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de causalité : « les mêmes causes, dans les mêmes circonstances, engendrent les mêmes effets ».

On distingue, en général, le déterminisme cosmique ou physique du déterminisme psychologique ou de la volonté. Le premier a trait aux phénomènes physiques, le second aux phénomènes psychiques. Le premier est le postulat de toutes les sciences, puisqu’elles ont pour objet la recherche des lois. Et la loi (rapport invariable entre deux phénomènes) peut être recherchée à la condition seulement que l’on croie que tout phénomène est invariablement précédé, et invariablement suivi par d’autres phénomènes.

Admise cette impérieuse nécessité causale qui lie les phénomènes du monde dans chaque instant de son existence, se trouvent potentiellement contenues toutes ses phases successives, de sorte que, une intelligence infinie pourrait aisément prévoir le plus lointain futur. Huxley dit qu’une intelligence suffisante « connaissant les propriétés des molécules dont était composée la nébuleuse primitive, aurait pu prédire l’état de la faune de l’Angleterre en 1868 ».

E. Du Bois-Reymond dit qu’ « on pourrait savoir dès maintenant à quelle époque l’Angleterre brûlera son dernier morceau de charbon ».

Le déterminisme psychique considère toutes les actions de l’homme déterminées par ses états antérieurs, et il n’admet pas que sa volonté puisse changer cette détermination. Les actes volontaires sont déterminés ab œterno, de manière nécessaire. Il n’y a pas de choix, mais prépondérance de la pression qui a la plus grande puissance d’impulsion.

Kant dit que, si l’on pouvait connaître toutes les impulsions qui meuvent la volonté d’un homme et prévoir toutes les occasions extérieures qui agiront sur lui, on pourrait calculer la conduite future de cet homme avec la même exactitude que celle avec laquelle on calcule une éclipse solaire ou lunaire,

On distingue plusieurs formes de déterminisme volontaire. La forme théologique considère nos actions comme un produit de l’action divine, de la grâce, de la providence. La théorie typique de ce déterminisme est celle de la prédestination. Le déterminisme intellectuel place l’action déterminative dans l’intelligence, faisant de chaque action la pure et nécessaire conséquence d’un jugement. Le déterminisme sensitif fait des sensations la cause unique des actions. Pour le déterminisme idéaliste, l’idée, en soi, absolue (acte pur) agit librement et détermine les actes humains sans aucun lien avec la matière.

Il ne faut pas confondre le déterminisme avec le fatalisme ; puisque, ici, les événements sont prédéterminés ab œterno, de manière nécessaire, par un agent extérieur, tandis que, , le pouvoir est placé dans l’agent même. Dans le fatalisme, la nature est soumise à une nécessité transcendante ; dans le déterminisme cette nécessité est immanente. Naguère, encore, le déterminisme scientifique était seulement mécanique (le conséquent est déterminé par ses antécédents et l’ensemble par ses parties) ; maintenant, le déterminisme finaliste (instauré par Claude-Bernard) dont la formule est : « l’ensemble détermine ses parties et le conséquent ses antécédents », commence à avoir des partisans. Ce dernier déterminisme est appliqué, que je sache, seulement ou spécialement, au domaine biologique. — C. Berneri.

DÉTERMINISME ÉCONOMIQUE. (Voir : Matérialisme historique).

Bibliographie : Cl. Bernard, Introduction à l’étude de physiologie, 1865. Fouillée, La liberté et le déterminisme, 1873. A. Hamon, Déterminisme et responsabilité, 1898. A. Lalande, Note sur l’indétermination, « Revue

de métaphysique » 1900, page 94. J. Pétrone, I limiti del determinismo scientifico, 1900. R. Ardigô, La morale dei positivisti, 1892, pages 118 et suiv. Fonsegrive, Essai sur le libre arbitre, sa théorie et son histoire, 1889.


DÉTONNER. (verbe). N’être pas maître de sa voix. Chanter faux, manquer de justesse. « Cette femme ne sait pas chanter, elle détonne à tout instant ».

Rien n’est plus désagréable à l’oreille que l’audition d’un « artiste » instrumentiste ou chanteur qui ne respecte pas la musique et qui détonne. L’instruction musicale n’est pas toujours suffisante pour éviter la détonation et il arrive que certaines personnes ayant appris la musique sont absolument incapables de jouer ou de chanter juste. Certains instruments exigent une très grande maîtrise et une profonde habileté pour être harmonieux. Le violon et le violoncelle par exemple, dont les notes ne sont pas séparées les unes des autres sur la touche, comme sur le clavier d’un piano, nécessitent une longue pratique de celui qui veut en jouer ; sinon, en tenant compte des autres difficultés que rencontre l’étude de ces instruments, ils ne sortent que des intonations détestables. Quant au chanteur, il ne suffit pas d’avoir une voix puissante pour qu’il se permette de se produire ; faut-il encore qu’il ait « l’oreille », et qu’il rende avec justesse le morceau qu’il désire interpréter.

Au sens figuré, le verbe détonner s’emploie péjorativement comme synonyme de déraisonner. On dit de quelqu’un qu’il détonne lorsqu’il parle sans savoir, et aborde une question qu’il ignore. Au sens propre comme au sens figuré, il faut s’abstenir de détonner. Désagréable, lorsque l’on détonne en chantant, on paraît ridicule lorsque l’on parle en donnant l’impression que l’on ne sait pas ce qu’on dit.


DÉTOUR. n. m. Endroit qui va en tournant. Les détours d’une rue, d’un fleuve, d’une montagne. Faire un détour signifie prendre un chemin qui éloigne du but auquel on doit arriver.

Ce mot qui s’emploie au propre et au figuré, a, dans l’un et l’autre sens, la même signification. On dit d’un orateur qui, en prononçant un discours, use de ménagements, s’exprime indirectement, qu’il emprunte des détours pour arriver à sa conclusion. Parfois les intentions de celui qui use de ces procédés, sont bonnes ; mais en général le détour, en matière politique et sociale, cache la ruse et n’est qu’un subterfuge employé pour masquer des desseins inavouables et arriver à bout de quelque chose.

« La ligne droite est toujours la plus courte d’un point à un autre » ; c’est donc celle-là qu’en toute logique il convient d’adopter si l’on veut avec rapidité atteindre le but que l’on poursuit. La politique semble combattre cet élémentaire principe de géométrie, et les politiciens en sont adversaires ; il n’y a donc pas lieu de s’étonner de ce qu’ils usent de détours afin de détourner l’attention de leurs victimes de l’objectif réel pour lequel ils se dépensent.

Nous avons dit par ailleurs, et nous répétons sans cesse, car cela nous apparaît comme une vérité lumineuse, que la politique n’a d’autres raisons d’être, que de détourner le peuple de ses obligations, de le tromper sur la route qu’il doit suivre, de le conduire sur des voies sinueuses, difficiles à suivre, et de le perdre dans les détours d’un labyrinthe duquel il ne peut plus s’échapper.

S’il est vrai, et nous le croyons, que le bonheur de l’humanité, que l’égalité et la fraternité ne peuvent exister que lorsqu’aura disparu sur toute la surface du globe l’exploitation de l’homme par l’homme, et par extension tout ce qui concourt au maintien de l’arbi-