Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 1.djvu/522

Cette page a été validée par deux contributeurs.
DEM
521

DÉMONIAQUE. adj. et nom. Communément, ce mot indique tout ce qui est propre au démon ; mais chez quelques auteurs il a une signification différente. Ainsi, Gœthe, appelle démoniaque la révélation du divin dans le monde, l’inaccessible qui nous entoure et duquel nous sentons partout le mystère. Démoniaques étaient appelés ceux qui appartenaient à cette secte d’hérétiques chrétiens qui enseignaient que, à la fin du monde, aussi les démons, c’est-à-dire les anges rebelles à Dieu, seraient sauvés.


DÉMONISME. n. m. Avec ce mot on indique cette phase de l’évolution religieuse au cours de laquelle les phénomènes naturels sont expliqués comme étant l’effet de la lutte continuelle des esprits : les uns bons, les autres mauvais, dont on imagine que le monde est peuplé. Le démonisme est antérieur au polythéisme, puisqu’en lui les esprits n’ont pas de nom, pas de forme humaine pas d’histoire personnelle, et sont simplement adorés dans les arbres, dans les nuages, dans le vent, etc. Quand ils acquièrent un nom, une forme humaine, et une histoire personnelle, le démonisme se transforme en polythéisme et en mythologie. Le démonisme est, donc, un aspect de l’animisme. Le concept du démon est propre du dualisme religieux. Dualiste est la religion de Zoroastre (religion de la Perse antique) qui attribue tous les événements du monde à la lutte de deux puissances contraires, primitives, éternelles, indépendantes l’une de l’autre. D’après cette religion, à Ormuzd, auteur du bien, s’opposait Ahriman, auteur du mal. Le Satan de la Bible est l’Ahriman juif. Dans le christianisme persiste la conception du démon, commune à toutes les religions orientales. Ainsi nous voyons Saint-Michel, la lance à la main, terrassant le dragon, correspondre au très ancien Indra des Indiens qui a à ses pieds le démon Vritra.

Dans le monothéisme, c’est-à-dire dans la croyance en un Dieu unique, la conception de la divine puissance infinie, ne réussissant pas à se concilier avec les contradictions de l’univers, s’est unie, illogiquement, avec ce dualisme, qu’elle aurait dû éliminer, d’où il résulte que le monothéisme est, dans ce cas, une forme du polythéisme ; Dieu et l’anti-Dieu, c’est-à-dire Satan.


DÉNATURER. verbe. Changer la nature d’une chose, d’une plante, d’un animal. L’usage de la greffe dénature les plantes ; le produit de l’union de deux espèces différentes d’animaux dénature l’une et l’autre de ces espèces, c’est-à-dire leur fait perdre leur caractère naturel ou primitif. Dénaturer un fait : présenter un fait d’une manière inexacte, fausse ; dénaturer une idée, une pensée, etc., etc…

On a souvent tendance à dénaturer ce qui nous gêne ; il faut s’en garder, car ce n’est pas honnête, et laisser ces pratiques jésuitiques à la gent politique. L’Anarchisme a souffert et souffre encore de ce que tous ses adversaires — et ils sont nombreux — cherchent à en dénaturer l’esprit auprès des éléments qui seraient susceptibles de s’intéresser à ce mouvement de libération sociale. On a non seulement dénaturé l’Anarchisme, mais on a présenté et l’on présente encore les anarchistes comme des criminels, des meurtriers, qui ne rêvent que de destruction. Le travail et le devoir de l’Anarchiste sont de remonter ce courant et, en se faisant connaître, d’inspirer la confiance qu’il mérite, afin de pouvoir exercer son influence et jouer un rôle dans les mouvements sociaux et historiques.


DÉNI (de justice). n. m. Juridiquement, on appelle un déni de justice l’acte par lequel un juge refuse de juger une affaire ou un individu en raison de l’insuffisance de la loi. Un juge n’a pas le droit de refuser de juger, même si aucun texte de loi ne prévoit le cas qui

lui est soumis, et le magistrat qui se livre à cet attentat s’expose à une peine de 200 à 500 francs d’amende et à l’interdiction de l’exercice de ses fonctions, pendant une période de cinq ans à vingt ans.

Mais il ne se rencontre pas de juges qui refusent de juger ; ou le cas est tellement rare, qu’il ne mérite pas qu’on y porte attention ; c’est ce qui explique probablement que, dans le langage courant, le déni de justice exprime non pas le refus de juger, mais le refus d’accorder à quelqu’un ce qui lui est dû en vertu même de la loi. Ex. : en vertu des lois sur la presse, les crimes d’ordre politique doivent être soumis à la compétence de la cour d’assises ; cependant, les anarchistes, les communistes, tous les révolutionnaires se voient traînés devant les tribunaux correctionnels et, lorsque les juges de ces tribunaux refusent de se déclarer incompétents, c’est un déni de justice. Les révolutionnaires ne peuvent pas être choqués d’une telle attitude de la « justice » et de ses représentants : la loi est faite pour les riches et appliquée par les représentants de la bourgeoisie ; il n’y a donc rien à en espérer. Transformer le milieu, tel est le but vers lequel doivent s’orienter tous les révolutionnaires et le déni de justice disparaîtra avec la « justice » elle-même.


DÉNONCIATION. n. f. Action de dénoncer, de faire connaître. Une dénonciation scandaleuse : une dénonciation calomnieuse. Celui qui accuse secrètement ou publiquement quelqu’un à la justice est un dénonciateur. L’être infâme qui trahit et dénonce ses complices dans un crime est généreusement récompensé de son acte par la « Justice » et bénéficie de l’indulgence des tribunaux. « Cet infâme jouit tranquillement du fruit de ses dénonciations » (Lachâtre). De même que la délation, la dénonciation a trouvé dans les milieux d’avant-garde un terrain fertile à exploiter et il y a fatalement des dénonciateurs parmi les révolutionnaires ; ils ne sont cependant que d’un danger relatif dans les pays où l’action se passe au grand jour ; mais, dans les pays où la réaction sévit avec force, ils accomplissent leur sinistre besogne au détriment des organisations qui se placent hors la loi et veulent réformer un régime arbitraire de brutalité et de violence.


DENTS, HYGIÈNE DENTAIRE. Avant de passer au développement que comporte un tel sujet, il est utile de donner quelques détails sur le passé, ceci dans un but strictement instructif. Cette description permettra de mieux apprécier les progrès réalisés dans cette branche, tant au point de vue thérapeutique que prothétique. Nous verrons, par quelques exemples, les choses les plus burlesques, les plus incroyables ; la crédulité publique, le peu de connaissance en la matière ou la peur de l’extraction faisaient que beaucoup de personnes prenaient le mal de dents comme un mal inévitable et qu’il n’y avait qu’à supporter patiemment ce mal « d’amour » pour qu’il disparût. On souffrait autrefois autant sinon plus que de nos jours, car les connaissances médicales étaient précaires. On essayait surtout d’ôter la dent malade avec des instruments qui étaient de véritables instruments de torture. Nous constatons que Rois, Seigneurs, Puissants du jour souffrirent atrocement des dents. François Ier, Charles VII, Henri IV, etc., souffrirent ou eurent à subir des interventions chirurgicales. Mais arrêtons-nous un peu à Louis XIV. Louis XIV souffrait énormément des dents. Périodiquement, sa joue enflait et un abcès malencontreux venait déformer la figure de cette royale majesté, qui, dans sa toute puissance, ne pouvait que se mettre des cataplasmes de mie de pain et de lait sur sa noble joue. Il en souffrit tellement que les archiatres du temps inscrivaient dans le journal de sa Majesté : « Il n’y aurait rien à souhai-