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libération sans lui enseigner que cette libération est relative à la somme de sacrifices qu’il est capable de consentir ? Lutter contre le despotisme, contre l’injustice, contre l’iniquité dont souffrent les populations ; soulever la fureur populaire, entraîner le peuple dans la violence lorsque celle-ci est nécessaire à sa défense, c’est bien, et nous savons que l’énergie a parfois besoin d’être stimulée. Mais exploiter la crédulité et la naïveté du peuple, se livrer à des excès oratoires pour capter sa confiance et acquérir une popularité, se présenter à lui comme son ami alors que l’on est uniquement animé par l’ambition, user de l’influence que l’on exerce pour lui cacher la vérité et l’arrêter dans son élan émancipateur tout en faisant figure de révolutionnaire, c’est faire de la démagogie, et c’est tromper consciemment le peuple.

Le démagogue est un homme rusé et c’est une tâche ardue que de le démasquer. Les individus vouent un culte passionné à certains de leurs semblables, et malgré les trahisons et les désillusions, ils continuent à se laisser endormir par les belles paroles du tribun. D’autre part, l’homme aime à être flatté, et la flatterie n’est pas l’arme la moins usitée par le démagogue qui connaît ses foules et s’entend à merveille pour les mener.

Que faire contre la démagogie et les démagogues ? Opposer la raison et la logique à la passion. Petit à petit, le peuple se détache de tous les dieux de la politique qui s’attribuent un empire sur les cerveaux, et qui usurpent la puissance populaire ; le peuple commence à comprendre ; demain il aura compris, et alors il se débarrassera de tous les démagogues qui se hissent au pouvoir sur l’échine courbée du travailleur et la démagogie sera écrasée sous le poids de la franchise et de la loyauté.


DÉMASQUER. verbe. Au sens propre : enlever le masque qui couvre le visage d’une personne déguisée. Au sens figuré : dévoiler la véritable personnalité d’un individu. Il est quantité de gens qui se présentent sous un jour bienveillant et qui n’ont d’autre intention que de tromper. L’imposteur cherche à en imposer par de fausses apparences ; le perfide se cache sous le masque de la loyauté, et le vicieux sous celui de la vertu. Il est utile de les démasquer, c’est-à-dire de mettre en évidence leurs intentions, afin de leur enlever toute possibilité de nuire. Lorsque l’on aura retiré tous les masques dont se couvrent ceux qui veulent profiter du peuple, le mensonge ne sera plus à craindre, l’erreur fera place à la vérité et l’humanité pourra poursuivre sa route à pas de géants.


DÉMEMBREMENT. n. m. Action de démembrer, de séparer, de diviser. Ce terme est peu usité au sens propre et est surtout employé au sens figuré. « Le démembrement d’un pays, d’une province, d’une commune ». « Avant la guerre de 1914-1918, la Pologne était démembrée, et les trois parties de son corps étaient partagées entre l’Allemagne, la Russie et l’Autriche-Hongrie ». Depuis la guerre, c’est l’Empire autrichien qui est victime du « démembrement ». Il n’y a pas que les nations, les États qui se démembrent ; il y a aussi les organisations sociales et depuis quelques années, nous assistons à travers le monde au triste spectacle du démembrement des associations ouvrières. La politique perfide et menteuse a pénétré au sein des organisations prolétariennes et il en est résulté la division.

Espérons que ce démembrement n’est que provisoire et que la classe ouvrière retrouvera la force de faire de tous ses membres dispersés un corps unique lui permettant de résister à l’assaut de ses adversaires.


DÉMENCE. n. f. du latin dementia. Altération de l’intelligence ; cessation complète ou partielle des fonctions du cerveau. Une des principales manifestations de la démence est la perte de la mémoire et l’affaiblissement progressif des facultés intellectuelles et physiques. La démence est souvent due à la vieillesse, mais elle a aussi d’autres causes, et les êtres jeunes et chargée d’une hérédité alcoolique ou syphilitique en sont également victimes. La démence est une terrible maladie, car la pensée et l’intelligence sont les deux fonctions qui distinguent et séparent l’homme de la bête, et celui qui en est dépourvu n’est plus qu’un déchet d’humanité. Le travailleur qui peine et fatigue pour arriver modestement à boucler le budget familial et se laisse entraîner au cabaret ferait bien de réfléchir aux conséquences désastreuses de son acte. Combien d’êtres jeunes sont innocemment victimes d’une hérédité morbide et traînent toute une vie de misère, parce que leurs ascendants n’ont pas su maîtriser leur passions et résister à un verre de poison ?

Divers auteurs nous ont, par des ouvrages d’une haute portée philosophique ou sociale, éclairé sur les effets de la boisson. Zola, dans l’Assommoir, nous montre « Coupeau » finissant ses jours dans le cabanon des fous, et Ibsen, dans ses « Revenants » nous présente un homme jeune et talentueux qui sombre dans la démence, victime de la funeste passion de ses ancêtres.

Certains savants et philosophes, au spectacle qu’offre l’humanité, versent dans le pessimisme le plus profond et déclarent que le monde est en son entier atteint de démence.

Dans ses « Paradoxes Psychologiques », Max Nordeau, le célèbre docteur et écrivain autrichien, accuse l’individu de « dégénérescence névropathique », et il semble parfois que l’ensemble des humains donne raison à cette thèse. N’est-ce pas un vent de démence qui souffle sur le monde lorsque l’humanité sacrifie des millions d’hommes jeunes et vigoureux dans une guerre immonde et terrible ? Ne faut-il pas que l’homme soit atteint de folie pour se laisser conduire comme un mouton et se livrer sans protester au couteau du boucher ? La lassitude s’empare souvent de celui qui rêve de régénérer l’humanité lorsqu’il constate l’énorme besogne à accomplir ; et pourtant nous ne croyons pas que l’homme soit atteint de démence ; nous pensons simplement qu’il est encore un enfant qui a besoin de s’instruire et de s’éduquer, que, malgré les milliers de siècles qui nous précèdent, nous ne sommes encore qu’à l’aube de la civilisation, et qu’un long chemin reste à parcourir.

S’il arrive à l’individu de commettre des erreurs, de se livrer à des actes extravagants, de déraisonner, s’il lui arrive de se laisser entraîner dans des aventures criminelles, dans des entreprises stupides, c’est qu’il ne sait pas, qu’il ignore, et qu’il faut lui apprendre à se conduire ; c’est à cette tâche que l’Anarchiste doit s’attacher ; et ce qui apparaît comme de la démence disparaîtra lorsque l’œuvre poursuivie sera accomplie et que l’homme devenu majeur restera maître de ses destinées.


DÉMOCRATIE. n. f. grec demos, peuple, et kratos, pouvoir. La démocratie est le « gouvernement du peuple » ou plutôt un régime politique qui prétend favoriser les intérêts de la masse. Si le socialisme est, ainsi que le prétend le Dr Gustave Le Bon, « La religion de l’avenir » on peut dire que la démocratie est la religion moderne et que toutes les puissances dites civilisées s’inspirent aujourd’hui de l’idée démocratique, sinon de son esprit. Même les gouvernements d’essence réac-