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leur capacité et de leur sincérité et se gardât de leur donner des pouvoirs trop étendus. En n’accordant aux délégués qu’une autorité limitée, en déterminant strictement leur rôle et leur travail dans une action quelconque, le prolétariat s’éviterait bien des désillusions et bien des trahisons.


DÉLIBÉRATIF. adj. Ce qui a qualité pour délibérer, pour décider, pour voter à la suite d’une délibération. Avoir voix délibérative dans une assemblée, c’est-à-dire avoir l’autorité de participer par son vote aux décisions de cette assemblée, alors que ceux qui ont voix consultative peuvent donner leur avis au cours de la discussion, mais n’ont aucun pouvoir pour participer à la résolution finale. Exemple : Dans les assemblées départementales, les conseillers généraux qui sont chargés d’administrer leur région ont voix délibérative, alors que le préfet n’a que voix consultative ; dans les congrès ouvriers, les représentants des syndicats ont voix délibérative et ceux des fédérations n’ont que voix consultative. Politiquement, c’est-à-dire dans la gérance de tout ce qui intéresse la nation, il peut sembler que le peuple ait une voix délibérative et que rien ne se fait sans sa volonté. En vérité, le peuple n’est même pas consulté et son pouvoir délibératif est capté par les intrigants qui prétendent la représenter dans les parlements et qui délibèrent et décident en ne tenant aucun compte des aspirations et des volontés populaires.


DÉLIBÉRATION. n. f. Action de discuter sur une résolution à prendre. La délibération comprend : l’examen de la question présentée ; la discussion des arguments favorables ou défavorables à une résolution, et enfin le vote. La délibération est utile en ce sens qu’en provoquant la discussion elle permet à chacun des membres délibérant de raisonner sur les conseils qui leur sont soumis, et de prendre des décisions en pleine connaissance de cause. Comme tout objet intéressant une collectivité, une délibération ne peut avoir de résultats heureux qui si ceux qui y prennent part sont au courant de la question qui en fait l’objet et s’ils sont animés par un sincère désir d’arriver à un but. Nous savons le peu de sérieux qu’offrent les délibérations publiques des assemblées législatives et nous n’ignorons pas leur inopérance, tout au moins en ce qui concerne les sujets intéressant les classes productrices de la nation.

Toutes les organisations officielles, toutes les administrations publiques sont dirigées par des individus appartenant à la bourgeoisie et les délibérations des divers comités qui règlent les rouages de la société ne peuvent apporter aucun avantage à la classe ouvrière. Il est donc indispensable, si le prolétariat veut se libérer et voir disparaître un jour l’exploitation de l’homme par l’homme, qu’il sache de quelle façon il doit agir, et ce n’est qu’en délibérant qu’il peut se fixer sur le parti qu’il convient de prendre, il est essentiel qu’une délibération ouvrière, pour porter ses fruits, soit empreinte de la plus grande cordialité et n’offre pas le spectacle des déchirements et des divisions. Le travailleur doit être uni sur le terrain du travail. Les intérêts de tous les travailleurs sont les mêmes et, lorsqu’ils comprendront que la puissance du capitalisme ne repose que sur l’ignorance des exploités, lorsqu’ils sauront que « c’est une chose déplorable de voir tous les hommes ne délibérer que des moyens et point de la fin » (Pascal) qu’ils auront appris à envisager les faits dans leur ensemble et à en déterminer les causes, de leurs délibérations sortira la lumière, et les résultats et les décisions de ces délibérations auront une portée formidable sur la destinée des sociétés.


DÉLIQUESCENCE. n. f. En chimie on donne le nom de « déliquescent » à certains corps qui ont la propriété

d’absorber l’humidité de l’air et de se résoudre en liquide. Au sens figuré, ce mot est employé comme synonyme de désagrégation, de décadence. On dit qu’un organisme est en pleine déliquescence lorsqu’il est complètement en décadence et que rien ne peut être tenté pour le sauver. »


DÉLIT. n. m. On appelle « délit » toute infraction à la loi, tout acte punissable de peines correctionnelles, Les infractions soumises à la délibération de la Cour d’assises s’appellent des « crimes ». Il y a plusieurs sortes de délits : 1° les délits publics qui provoquent une action judiciaire sans qu’aucune plainte particulière ait été portée ; 2° les délits réservés où l’appareil judiciaire ne se déclenche qu’à la demande de la partie lésée ; 3° les délits politiques. Quel que soit l’ordre du délit, les peines prononcées contre le délinquant sont ou la prison, les dommages et intérêts, ou l’amende. Si l’on considère qu’il y a en France 3006 justices de paix qui statuent sur les délits-de simple police et qui ont le pouvoir d’infliger des peines n’excédant pas 15 francs d’amende et 5 jours de prison, on peut se rendre compte du nombre incalculable d’infractions à la loi qui se commettent chaque jour. Et, à côté de tous ces tribunaux, il y a encore les tribunaux commerciaux, les cours d’appel, les cours d’assises et la cour de cassation.

Dire que toute cette organisation judiciaire, que tout cet appareil de répression n’est constitué que pour brimer les classes pauvres peut paraître enfantin et les partisans de « l’ordre » prétendent qu’il est indispensable de réprimer les délits, sans quoi la vie en société serait impossible. Il faudrait démontrer d’abord, pour prêter un certain crédit à cette assertion, qu’une société qui a besoin pour se défendre d’un tel appareil est basée sur l’ordre. Pour nous, Anarchistes, nous ne pouvons y croire et sommes convaincus que c’est le désordre qui nécessite une telle institution judiciaire.

Examinons le problème plus profondément et supposons que chacune des justices de paix n’ait à juger que cinq affaires par jour, — et nous sommes modestes, car c’est quinze ou vingt que nous devrions dire — cela fait 15.000 délits. Chacun des quatre cents tribunaux correctionnels une moyenne de dix affaires, ce qui fait 4.000, et nous arrivons à ce chiffre fantastique que pour une population de quarante millions d’habitants, il y a par année plus de six millions de délinquants, c’est-à-dire un sur sept. Cela peut sembler paradoxal, et c’est pourtant, ainsi, et nous sommes au-dessous de la vérité. Peut-on, en. toute loyauté, appeler cela « l’ordre » ?

Comment s’étonner alors que les prisons regorgent de monde ? Qui est responsable de ce nombre de délits et quelles en sont les victimes ? Nous disions plus haut que l’appareil judiciaire ne fonctionnait que contre les classes pauvres ; il est évident que les classes possédantes sont moins sujettes à, se livrer à des infractions à la loi.puisque la loi fut faite au bénéfice des privilégiés. Jamais un homme fortuné ne sera poursuivi pour délit de vagabondage par exemple ; être sans domicile, ne pas avoir les possibilités financières d’avoir un logis est, dans notre douce république française, considéré comme un délit. En vertu de la logique la plus élémentaire, il nous semble que le malheureux qui n’a ni feu ni lieu, qui est contraint, par les froides nuits d’hiver, de se contenter d’un coin de porte pour dormir, souffre assez de sa situation sans que vienne encore s’appesantir sur ses épaules la main de la justice ; il paraît que nous avons tort et que c’est un délit d’être pauvre. C’est un délit de s’attaquer à la propriété privée. Nous avons dit, d’autre part, ce que nous pensions de l’action que l’on a dénommée reprise individuelle (Voir