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A la suite de ce rapport, six États interdirent l’enseignement des théories évolutionnistes sur leur territoire. En somme, dans les États de l’Oklahoma, du Mississipi, de Tennessee, dans le Texas, où « aucun fidèle, athée, ou agnostique, ne peut remplir aucune fonction dans l’Université », dans la Caroline du Nord, et dans une foule d’autres États où des projets de lois antiévolutionnistes étaient à l’étude (Floride, Kentucky, etc.), le mot évolution fut effacé des livres, des écoles, et l’enseignement de la Bible recommandé ou rendu obligatoire (on explique la Bible dans 48 États).

D’après les fondamentalistes ou partisans de l’origine divine de l’homme, les évolutionnistes « écartent l’Adam de la Genèse pour le remplacer par le squelette du Musée Métropolitain, rajusté par de soi-disant savants aux os de singe », « l’enseignement de l’athéisme, camouflé du nom de science, c’est de la contrefaçon frauduleuse », etc. Pour ces fanatiques, la vaccination viole les lois de Dieu, et se laver le derrière est un crime. L’ignorantisme et l’obscurantisme des protestants valent bien ceux des catholiques qui déraisonnent à propos des miracles de Lourdes et autres.

Le Ku-Klux-Klan, cette Association de malfaiteurs, crut bon, dans un but de réclame, de prendre part aux débats, un an après le procès de Dayton. Il s’est prononcé contre le darwinisme, annonçant qu’il le combattrait par tous les moyens, y compris le crime. Cependant, même au sein du Ku-Klux-Klan, il n’y a pas que des imbéciles, et une scission s’est produite, un des principaux organisateurs de cette Société, M. E. J. Clarke, d’Atlanta, ayant désapprouvé cette décision grotesque, et formé une nouvelle Société qui admet l’enseignement libre des théories darwiniennes et accepte dans son sein tous les cultes.

Conclusion. — Les adversaires du darwinisme ont vite fait de voir en lui « une doctrine qui s’effondre », alors que rectifiée et élargie, elle est plus solide que jamais. Les géologues, paléontologistes, anthropologistes, biologistes et préhistoriens sont aujourd’hui convaincus — sauf M. de Lapparent, dernier survivant du créationnisme — qu’il existe un ou plusieurs intermédiaires entre les grands singes anthropomorphes et l’homme, et que celui-ci descend d’eux directement ou indirectement. C’est l’opinion de Marcelin Boule, dans ses « Hommes Fossiles », et aussi de Verneau qui, dans son dernier ouvrage « Les Origines de l’Humanité » (1926), est fondé à écrire : « Les liens de parenté se resserrent et se précisent à tel point que le nombre des savants qui les niaient naguère diminue de jour en jour. Les uns admettent que les premiers êtres humains descendent en ligne directe de ces singes anthropomorphes, les autres inclinent à croire que ces singes et l’homme sont issus d’une souche commune qu’il faudrait rechercher plus loin dans le passé. De toute façon, l’Humanité n’en aurait pas moins une origine mienne ». Que peuvent les adversaires du darwinisme, contre les preuves que nous apportent les géologues, sur l’ancienneté de certaines roches recélant des fossiles ? Plus ou moins habilement les partisans de la Bible essaient de concilier la science et la foi. Le transformisme ne serait plus en désaccord avec la religion (Albert Gaudry, savant catholique, était sincère en l’affirmant).

Voici que l’abbé Moreux doute aussi de la valeur des textes sacrés : « On objecte la chronologie biblique, mais la Bible ne nous offre aucun élément de cette nature. Les chiffres que l’on y trouve, ce n’est un secret pour personne, ont été matériellement altérés par les copistes et diffèrent suivant les manuscrits ; il est donc impossible de se baser sur ces documents pour en faire le point de départ d’une théorie quelconque » (D’où venons-nous ?).

D’après la Bible, Dieu aurait créé le monde en six jours, il n’y a guère plus de six mille ans. Comme les géologues ont démontré que la formation du monde a duré des milliers de siècles, les partisans de la genèse répondent que le mot « jour » n’a plus ici sa signification habituelle : il ne s’agit plus de 24 heures, mais de millénaires. Finalement, Moïse et Darwin, sont du même avis : Dieu a créé l’homme le sixième jour, après les autres espèces. On ne voit vraiment pas pourquoi les fondamentalistes américains, français, anglais ou autres, en veulent tant à ce pauvre Darwin. L’auteur de 1’ « Origine des Espèces », loin de contredire celui de la Bible, lui apporte son témoignage. L’homme de Darwin, comme celui de Moïse, est le dernier venu de la création. Pour l’un comme pour l’autre, il est le plus parfait de tous les êtres. La solution darwinienne est par certains côtés une solution religieuse. On peut objecter au savant anglais que, loin d’être le dernier venu parmi les animaux, l’homme est beaucoup plus ancien que la plupart d’entre eux, ses caractères intellectuels ne suffisant pas pour le placer le dernier de tous. Il n’est pas si jeune qu’on le prétend. L’homme, qui fait partie du groupe des primates, a sa place parmi les grands singes « dont il est d’ailleurs un type extrêmement perfectionné » (Rémy de Gourmont). Mais une espèce animale étant d’autant plus récente que sa température est plus élevée, les oiseaux ont fait leur apparition après l’homme. Cette dernière théorie — qui élargit l’évolution – est elle-même discutable. En résumé, que l’homme soit ou ne soit pas le dernier des êtres vivants, qu’il descende ou non du singe (et pour ma part, je ne vois aucun inconvénient à ce qu’il ait pour ancêtres les grands singes anthropomorphes du tertiaire, comme j’essaye de le montrer dans ma « Philosophie de la Préhistoire » (janvier 1927), cessons de considérer le primate plus ou moins civilisé que constitue l’homme actuel comme le chérubin de la nature. L’homme n’est pas une exception dans l’univers, le monde n’a pas été créé pour lui. Il ne saurait constituer le terme final de l’évolution. Après l’homme, coopérons que naîtra le surhomme qui vivra sans lois et sans morale. Concluons avec Rémy de Gourmont, en remplaçant toutefois le mot « créateur » par le mot « nature », encore enveloppé, il est vrai de mysticisme chez certains auteurs : « Sans doute, l’homme continuera toujours à dominer de très haut le reste du règne animal, mais il est impossible de le considérer comme la dernière pensée du créateur ».

Gérard de Lacaze-Duthiers.


DÉBÂCLE. n. f. Au sens propre, la débâcle est la conséquence d’une élévation de la température qui, en provoquant le dégel, brise la glace qui recouvre les rivières. Cette rupture partage la glace en une quantité innombrable de glaçons qui, flottant à la dérive, sont parfois très dangereux. Au sens figuré, la « débâcle » est synonyme de déroute, de désordre, de confusion. La « débâcle » d’un gouvernement, c’est-à-dire l’impuissance de celui-ci à faire face à une situation de fait. La « débâcle » d’une armée, c’est-à-dire l’abandon de la lutte et la fuite précipitée et confuse des troupes devant l’ennemi. « La débâcle du capitalisme ouvrira la route au Prolétariat ». « La Débâcle » : célèbre roman d’Emile Zola. Dans ce remarquable ouvrage, le grand écrivain décrit certains épisodes de la guerre de 1870 et plus particulièrement de la retraite de Sedan.


DÉBINAGE. n. m. Action de débiner, de dire du mal, de dénigrer. Le débinage est l’arme des faibles ou des sournois. Celui qui n’ose pas attaquer de front un individu agit par derrière, afin de lui nuire. Il cherche des concours extérieurs et par le « débinage » tente de créer un courant d’hostilité contre son adversaire. Le