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mes, droit consacré par les lois et les usages des Arabes bien antérieurement à la fondation de l’Islam.

Mohammed avait son plan, il disposait maintenant d’une grande fortune pour le réaliser. Il se retira dans la solitude, le silence et la méditation durant quinze années. Il avait donc quarante ans, Kadige sa femme, en avait cinquante-cinq quand il se révéla prophète.

Il fut d’une extrême prudence et n’entreprit d’abord que les conversions dont il était sûr : son premier disciple fut son adoratrice naturelle Kadige, puis son cousin Ali, fils d’Abou-Taleb qu’il avait à son tour recueilli pendant une famine, puis ses autres proches parents.

Il commença prudemment par raconter une vision où l’ange Gabriel lui serait apparu en lui donnant un message divin à lire. Mais Mohammed avait renié son instruction, il avait embrassé la profession d’illettré et en cela consistait le miracle : cet illettré lisait les messages de Dieu !

Voici le premier verset divin dont l’ange Gabriel lui ordonna la lecture (Koran) :

Lis, au nom du Dieu créateur.
Il forma l’homme en réunissant les sexes.
Il apprit à l’homme à se servir de la plume ;
Lis, au nom du Dieu adorable,
Il mit dans son âme le rayon de la science.

Et pendant vingt-trois ans le prophète reçut les messages de Dieu par l’ange Gabriel, ils forment cent quatorze chapitres.

Les versets que Mohammed avait lus dans ses extases il les dictait à ses secrétaires qui les inscrivaient sur des feuilles de palmier, sur des peaux et des omoplates de moutons.

Ce trésor divin était enfermé pèle-mêle dans un coffre et les versets étaient fidèlement appris par cœur par les disciples de Mohammed.

C’est seulement après la mort du prophète qu’Aboubecr, disciple et beau-père de Mohammed qui, après la mort de Kadige, avait épousé de toutes jeunes filles, recueillit en un volume les précieuses révélations. Le classement en est naïf : les chapitres viennent par ordre de longueur ; les plus longs les premiers.

Le Korañ prouve que Mohammed avait une solide connaissance de l’Ancien et du Nouveau testament (voir l’article Bible) qu’il cite dans certains passages et dont il s’approprie les termes dans d’autres.

Comme la religion de Moïse, la religion de Mohammed est théocratique. Aussi, le culte et le service de la patrie se confondent avec le culte et le service de Dieu, le chef de l’Église est obligatoirement le chef de l’État.

La doctrine koranique se nomme Islam. Selon le D’Pridoux ce mot signifie foi qui sauve, selon Savary consécration à Dieu. On pourrait trouver d’autres sens encore, car dans islam se trouve le radical salam qui signifie paix.

Les points essentiels de cette doctrine sont : monothéïsme, humilité, prière, jeûne, aumônes, patriotisme, pèlerinage à La Mecque, fatalisme, prédestination, peines éternelles pour les réprouvés, paradis délicieux pour les élus.

L’enfer des Musulmans est simplement calqué sur celui des judéo-chrétiens-catholiques ; mais leur paradis est infiniment plus séduisant, à en juger par ces quelques extraits :

Chapitre II intitulé : La Vache, verset 23. — Ils habiteront des jardins où coulent des fleuves. Lorsqu’ils goûteront des fruits qui y croissent, ils diront : voilà les fruits dont nous nous sommes nourris sur la terre ; mais ils n’en auront que l’apparence. Là ils trouveront des femmes purifiées. Ce Séjour sera leur demeure éternelle.

Les anciens auteurs arabes, les « pères de I’Église » des

musulmans et, parmi eux, Gelaleddin El Hassan, nous apprennent ce qu’il faut entendre par femmes purifiées : qui ne seront point sujettes aux taches naturelles, vierges, à l’œil noir, stériles, exemptes de tous besoins sauf de celui d’aimer.

Chapitre LV. Les Miséricordieux. —

Ceux qui craignent le jugement posséderont deux jardins…
Dans chacun d’eux jailliront deux fontaines…
Les fruits divers croîtront en abondance…
Les hôtes de ce séjour, couchés sur des lits de soie, enrichis d’or, jouiront, au gré de leurs désirs, de tous ces avantages…
Là seront de jeunes vierges au regard modeste, dont jamais homme ni génie n’a profané la beauté…
Ces vierges aux beaux yeux noirs seront renfermées dans des pavillons superbes…
Des tapis verts et des lits magnifiques… »

Chapitre LVI. Le Jugement. —

Ils seront servis par des enfants doués d’une jeunesse éternelle…
Qui leur présenteront du vin exquis…
Sa vapeur ne leur montera point à la tête et n’obscurcira point leur raison…
Près d’eux seront les houris aux beaux yeux noirs. La blancheur de leur teint égale l’éclat des perles.
Leurs faveurs seront le prix de la vertu…
Leurs épouses resteront vierges…
Elles les aimeront et jouiront de la même jeunesse qu’eux…

Il est regrettable que l’auteur qui a fait preuve d’une grande psychologie en remplaçant la contemplation de l’Éternel par le joli paradis dont nous ne venons que de donner une toute petite idée, ait introduit dans son ouvrage les violences du coléreux Saint-Paul. Quel dieu monstrueux que celui qui commet cet abominable crime :

Dieu a imprimé son sceau sur leurs cœurs et leurs oreilles, leurs yeux sont couverts d’un voile et ils sont destinés à la rigueur des supplices. (La Vache, II, 6.)

C’est ce dieu qui, vingt versets plus loin, ose poser cette question :

Pourquoi ne croyez-vous pas en Dieu ? (II, 26)

Il est vrai que nous trouvons au IVe chapitre, Les Femmes, cette délicieuse contradiction :

Dieu est l’auteur du bien qui t’arrive, Le mal vient de toi.

Mais il serait enfantin de chicaner sur ces détails ; pour envisager le Korañ du même point de vue que nous avons envisagé la Bible, il nous semble plus juste de procéder par comparaison. Nous pouvons donc considérer que la Bible, moins poétique que les livres de l’Extrême-Orient, a plus d’unité ; mais en gardant une grande valeur artistique, voire à cause de cette valeur, elle reste marquée du sceau de l’incohérence poétique. Quand nous passons de la lecture de la Bible à celle du Korañ, nous sommes frappés de l’infériorité du style quoique encore fort joli, de l’infériorité poétique, bien que les versets du korañ soient encore fort musicaux.

Mais quelle supériorité dans la solidité de l’ouvrage ! Nous avions, avant cela, lu les jolies élucubrations d’une foule de poètes, nous avons maintenant sous les yeux l’ouvrage positif d’un homme qui sait ce qu’il veut et où il va et qui possède le génie affairiste le plus puissant. — Raoul Odin.


CORPORATION. n. f. La Corporation est, dit le dictionnaire, une association d’individus qui exercent une même profession.

La Corporation fut en effet cela pendant très longtemps, sans que le but variât. Aujourd’hui, ce qui en survit est tout différent, quoique l’esprit qui s’en dégage :