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prolétaires, victimes inconscientes du Capitalisme voisin ; que, ce faisant, la classe ouvrière se prêterait à la plus criminelle besogne devant augmenter la force d’exploitation du capitalisme et affaiblir, pour de longues années, le mouvement ouvrier.

« Pour toutes ces raisons, le Congrès Confédéral déclare qu’il ne reconnaît pas à l’État bourgeois le droit de disposer de la classe ouvrière ; que celle-ci, majeure, entend poursuivre à son gré, dans les conditions déterminées par elle, au sein de ses organismes, son œuvre de propagande et de conquête.

« Qu’en s’acheminant vers sa libération, elle est résolue à ne rien sacrifier à une guerre ; qu’au contraire, elle est décidée à profiter de toute crise sociale pour recourir à une action révolutionnaire.

« D’où il résulte que si, par folie ou par calcul le pays au sein duquel nous sommes placés se lançait dans une aventure guerrière, au mépris de notre opposition et de nos avertissements, le devoir de tout travailleur est de me pas répondre à l’ordre d’appel et de rejoindre son organisation de classe pour y mener la lutte contre ses seuls adversaires : les Capitalistes.

« Désertant l’usine, l’atelier, la mine, le chantier, les champs, les prolétaires devront se réunir dans les groupements de leur localité, de leur région pour y prendre toutes mesures dictées par les circonstances et le milieu avec, comme objectif, la conquête de leur émancipation et, comme moyen, la grève générale révolutionnaire.

« Les délégués des organisations ouvrières estiment que les salariés, mis dans l’obligation d’aller à la guerre n’ont qu’une perspective : accepter les armes pour aller à la frontière massacrer d’autres salariés ou accepter la lutte contre l’ennemi commun : le Capitalisme.

« Sous l’empire des obligations imposées par nos dirigeants, les délégués, en faisant choix de la guerre sociale, c’est-à-dire de la révolte dés exploités contre les exploiteurs, considèrent agir en conformité de vœu et de pensée avec les travailleurs organisés des autres pays également soucieux de ne rien sacrifier à la cupidité des gouvernants, le mot d’ordre étant pour tous : À bas la guerre entre les Peuples ! »

Moins de deux ans après, les craintes du Congrès extraordinaire de Paris devaient être effroyablement confirmées, sans qu’il ait été possible d’éveiller à notre conception le Secrétariat International qui persistait à soutenir que la lutte contre la guerre n’était pas du ressort du syndicalisme et en laissait le soin aux partis social-démocrates.

Et en dépit des affirmations produites au meeting de la salle Wagram à la veille de la guerre par Sassenbach et Bebel, le cataclysme fondit sur nous, vertigineusement, en juillet 1914.

Ce fut, dans la faillite la plus lamentable qui soit, la fin de la deuxième Internationale syndicale.

Il y aura bien, à Londres en 1925, à Leeds en 1916, des Conférences interalliées, où on souhaitera la reprise des relations internationales, mais où, au fond, ne joueront que des nationalismes cachés représentés par des organisations syndicales ayant épousé le point de vue de leurs gouvernements respectifs.

La seule manifestation anti-guerrière, d’ailleurs extra syndicale, comme Merrheim tint à le préciser à Lyon, fut la Conférence de Zimmerwald, où Allemands, Suisses, Italiens, Français et Russes tentèrent de mettre fin à la guerre. La C. G. T. fut nettement hostile à l’action de Zimmerwald et c’est de toutes ses forces qu’elle s’opposa à la propagande pacifiste entreprise à ce moment.

Il faudra en arriver à la Conférence de Berne (5 au 9 février 1919) pour voir jeter à nouveau les bases d’une nouvelle Internationale syndicale. Les Belges et les

Américains, plus chauvins encore que les autres, n’y assistent pas.

C’est à Berne que fut décidée la tenue du Congrès Constitutif d’Amsterdam (26 juillet au 2 août 1919) qui reconstituera sur des bases nouvelles l’organisme international qui entrera dans l’histoire sous le nom de Fédération syndicale Internationale d’Amsterdam. Les Allemands et les Autrichiens ont été invités, mais sont un peu tenus à l’écart. Il y a des relents de nationalisme qui flottent encore dans l’air d’Amsterdam.

Appleton des « Trades-Unions Anglaises » sera élu président ; Jouhaux (France) et Mertens (Belgique) vice-présidents ; Oudegeest et Fimmen (Hollande) secrétaires.

L’Internationale, ainsi reconstituée, ne comprend pas dans son sein toutes les Centrales européennes — l’Union syndicale italienne, la Confédération nationale d’Espagne, les indépendants d’Allemagne (F. À. U. D.) n’y adhérent pas. En Amérique, seule la Fédération Of Labor adhérera, puis se retirera. Aucune Centrale de l’Amérique du Sud ne donne non plus son adhésion. La Fédération syndicale internationale d’Amsterdam reste une organisation européenne où les représentants syndicaux de l’ex-Entente de guerre jouent les premiers rôles.

Elle ne tardera pas à entrer en conflit avec l’Internationale communiste d’abord, puis avec l’Internationale syndicale rouge. L’action réciproquement défensive de ces organisations amènera bientôt la scission dans presque tous les pays. La France en souffrira particulièrement, quoique n’ayant été atteinte qu’en dernier lieu.

L’action de la C. G. T. française avec Jouhaux inspirera celle de l’Internationale d’Amsterdam. Il n’est donc pas étonnant que la scission en France ait influencé si fortement la Fédération syndicale d’Amsterdam.

Toutes les tentatives d’Unité accomplies par l’I.S.R., insincères d’ailleurs, manœuvrières certainement, seront repoussées par Amsterdam qui poursuit, en liaison étroite avec le Bureau International de Genève et la deuxième Internationale socialiste, sa besogne démocratique dans toute l’Europe. Il est juste de dire que, par opposition, Moscou poursuit une autre action politique qui vise à atteindre des buts aussi exclusivement politiques et particuliers.

La bataille est loin d’être finie entre Amsterdam et Moscou. Il s’est formé dans le sein de la première de ces Internationales une aile dite de gauche, avec Fimmen à sa tête, qui poursuit la réalisation de l’Unité avec Moscou. Elle vient de recevoir l’aide d’une forte fraction des Trades-Unions anglaises à la tête de laquelle se trouve le propre président de l’Internationale d’Amsterdam, Purcell, qui a succédé à Thomas lorsque celui-ci devint ministre des Colonies dans le cabinet Ramsay Mac Donald.

C’est un fait assez extraordinaire pour qu’on le souligne. Il ne s’en suit pas que Moscou, même soutenu du dedans, triomphera d’Amsterdam et forcera les dirigeants hostiles à l’Unité sur les bases proposées par Losovsky à capituler.

Ces luttes menacent d’être terriblement longues et nul n’en peut prévoir la fin ni l’aboutissement.

L’Internationale d’Amsterdam, de même que la C. G. T. reste sur ses décisions du Congrès de Vienne en 1924, qui indiquent que les Centrales adhérentes à Moscou peuvent entrer à Amsterdam, mais ne veulent laisser aucune place aux discussions avec l I. S. R. dont la dissolution doit concorder avec la rentrée des Centrales à Amsterdam.

La Constitution de l’A. I. T. n’a pas rendu le problème plus simple et cependant le Congrès de décembre 1922 à Berlin n’avait pas d’autre issue s’il voulait