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Il faudra attendre longtemps avant qu’une nouvelle expérience de constitution d’un organisme de liaison devienne possible sur le terrain international.

C’est en 1901 que les syndicats allemands convoquent au Congrès de Copenhague les Centrales Nationales des autres pays. 12 organisations répondent à l’appel du Centre syndicaliste allemand.

Il ne sort pas de ce contact une Internationale, mais un Bureau de renseignements international dit « Secrétariat international des Centres Syndicaux Nationaux ». Le secrétariat en est confié à l’Allemagne qui le conservera jusqu’en 1914, avec Legien.

La C. G. T. qui vient de forger définitivement son Unité au Congrès de Montpellier, en 1902, donne son adhésion à ce Bureau.

Dès le début deux conceptions se heurtèrent fondamentalement : celle des Français qui voulaient une organisation vivante, combative ; l’autre, celle des Allemands qui ne voulaient faire du Secrétariat International qu’un organe de renseignements, de statistique, d’administration.

Les choses ne tardèrent pas à s’envenimer. À Dublin, en 1903, la C. G. T. française présenta un rapport sur l’antimilitarisme et la grève générale. Elle essayait de faire ainsi revivre l’esprit internationaliste qui animait là I Internationale. Ce fut en vain, le rapport ne fut ni lu, ni même distribué.

Ce rapport résumait d’ailleurs remarquablement les conceptions du syndicalisme français.

On y lit aussi cette affirmation d’antimilitarisme :

« L’État n’observe jamais la neutralité. Au moindre conflit, pour de simples menaces de grève, il mobilise l’armée et l’envoie sur le théâtre des événements contre les travailleurs. L’antimilitarisme doit être mis au premier rang des préoccupations des travailleurs organisés. C’est une besogne aussi indispensable et aussi urgente que celle qui consiste à rallier au syndicat les camarades inconscients. »

Le refus autoritaire de Legien de faire connaître ce rapport montre que l’Internationale n’est qu’un organisme administratif qui reste étranger à toute action de classe vraiment ouvrière et internationaliste.

Il faut peut être chercher dans la permanence de cet état d’esprit, l’une des causes essentielles de la faillite de la Deuxième internationale devant la guerre.

La C. G. T. continue de payer ses cotisations mais elle ne participe pas, en fait, à l’action du Bureau International.

La C. G. T., devant l’attitude hostile persistante du Secrétariat International, ne participe pas aux travaux de la quatrième Conférence qui se tint à Amsterdam, les 23-24 juin 1905, à l’ordre du jour duquel elle avait demandé à nouveau et avec insistance que figurent la grève générale, les 8 heures et l’antimilitarisme.

Le Secrétariat international décida, après consultation des Centres syndicaux Nationaux, tous défavorables à l’exception de la Hollande, que ces questions ne figureraient pas à l’ordre du jour.

Elles étaient, disaient ces Centres, de la compétence, des Congrès Internationaux du Travail et des Congrès Nationaux.

On voit quelle était l’étendue du fossé doctrinal qui séparait le syndicalisme français, libre de toute attache politique, avec les mouvements syndicaux des autres pays, tous plus ou moins corporatifs et liés avec les partis social-démocrates.

On pourrait croire que le syndicalisme français représentait dès cette époque — et représente encore — un mouvement anachronique par rapport aux autres mouvements de tous les pays. Il n’en est rien. Il a atteint une forme particulière, un stade plus évolué, parce que la France a passé par toutes les phases des

révolutions politiques et que celles-ci ont démontré aux ouvriers français l’inanité de ces changements qui n’affectent que la forme de l’État et ne modifient en rien le contrat social, alors que les autres pays de l’Europe n’ont pas connu ces bouleversements répétés.

On a beau, de Moscou, tenter l’impossible pour que ce mouvement, jugé dangereux — à juste titre d’ailleurs — pour les politiciens et les Partis disparaisse, il n’en sera pas ainsi. L’avenir lui appartient, c’est lui qui, lorsque les Prolétariats de tous les partis auront perdu toutes leurs illusions politiques, toute leur foi dans les partis, triomphera en définitive.

En 1906, alors que les incidents du Maroc font craindre une conflagration, la C.G.T. délègue à Berlin, son secrétaire Griffuelhes. Il ne se heurte pas à un refus formel de Legien, mais il reçoit de celui-ci l’invitation d’avoir à s’adresser au Parti Socialiste.

Cette réponse permet de mesurer la valeur attribuée au syndicalisme en Allemagne.

Aussi, il est inutile de se demander comment le Secrétariat international accueillit l’idée qu’exprimée à Amiens, la Conférence des Bourses, à l’issue du Congrès Confédéral : « les travailleurs doivent répondre à toute déclaration de guerre par la grève générale. »

Depuis, certes, l’idée a fait son chemin dans tous la pays, on ne la considère plus, comme le disait dédaigneusement Legien, comme une ineptie générale. Mais au Congrès de Stuttgart en 1907, la C.G.T. devant l’hostilité toujours réservée à ses propositions ne s’en retirera pas moins du Secrétariat international où tout travail est devenu impossible. Elle participera cependant à la Conférence de Paris en 1909. Pendant le conflit du Maroc, en 1911, il y a échange de délégués entre la France et l’Allemagne sans que soient aplanies les difficultés originelles.

En 1912, le conflit balkanique et ses extensions possibles amenèrent la C. G. T. à convoquer un Congrès extraordinaire des syndicats qui vota la résolution suivante :

« Le Congrès confédéral extraordinaire de Paris rappelle que la raison d’être de la C. G. T. est de grouper en des organisations : syndicats, unions de syndical, fédérations corporatives, les travailleurs avides de conquêtes morales, matérielles, en créant entre-eux une communauté de pensée, d’action, d’où résultent a solidarité, une union sans lesquelles le progrès ne pourrait se réaliser.

« Qu’ainsi, la C. G. T. s’affirme comme le représentant naturel du prolétariat, puisqu’elle exprime ses désirs de mieux-être et de liberté et constitue l’organe par lequel elles doivent se réaliser, en exerçant son action par l’intermédiaire des groupements précités qui sont autant de foyers répandus à travers le pays, au sein desquels les travailleurs trouvent les éléments de leur activité.

« Que par là, la C. G. T. a été créée par la classe ouvrière pour synthétiser ses aspirations, les coordonner, en vue de leur assurer une force de rayonnement résultant de l’Unité d’organisation qui, dans l’autonomie de chaque groupement, puise une valeur plus grande.

« Qu’il est reconnu par tous que la C. G. T. se présente comme l’interprète de la volonté des prolétaires organisés, que cette volonté se dégage du droit même qui appartient à chaque salarié de participer de façon effective à la vie confédérale.

« Par ces considérations, il apparaît qu’à aucun moment il ne peut exister entre les classes en opposition la moindre communauté de pensée et d’action.

« Mieux que tout autre événement social, une guerre fait éclater cette opposition, puisqu’il s’agit, pour la classe ouvrière, sans profit pour elle, de répondre à l’appel guerrier du Capitalisme en courant sus aux