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La France n’est pas le pays du complot, et les actes commis à diverses époques de l’histoire révolutionnaire moderne sont l’œuvre d’individualités courageuses qui surent se sacrifier pour une cause ou pour une idée qu’ils considéraient noble et belle ; mais les divers gouvernements qui se sont succédés depuis une trentaine d’années ont toujours, lorsque leur prestige était menacé ou que les difficultés quotidiennes de la vie faisaient gronder la voie du populaire, cherché à se débarrasser des dirigeants du mouvement révolutionnaire, en les impliquant dans d’imaginaires «  « complots contre la sûreté de l’État ».

On se rendra compte des intentions bienveillantes des gouvernants, lorsque l’on saura que les complots politiques, en France, peuvent être punis de la déportation à vie dans une enceinte fortifiée.

Malheureusement.pour nos maîtres, ces genres de délit sont de la compétence de la Cour d’assises, où il faut quand même dans une certaine mesure compter avec les jurés qui ne sont pas des magistrats professionnels au service du gouvernement et qui ne sont pas aveuglés et corrompus par leurs fonctions. Les gouvernants ne furent donc jamais bien heureux dans leurs tentatives. D’autre part, comme ces complots n’ont jamais existé que dans les cerveaux atrophiés de ministres en mal de répression, il faut leur donner un semblant de vie, et c’est la police secrète qui est chargée de fournir les premiers documents indispensables à l’action judiciaire. Or, personne n’ignore l’intelligence et la sagacité de la police ; celle-ci ne s’embarrasse pas de préjugés et d’honnêteté sentimentale. Il faut des preuves, des documents. Elle les trouvera, et si elle ne les trouve pas, elle les fabrique ; mais elle les fabrique avec une telle grossièreté, qu’à la première analyse, le juge le plus obtus et le plus attaché par ses fonctions à rechercher les sympathies gouvernementales, est obligé d’avouer le faux et de classer l’affaire. C’est ainsi qu’en France se terminent certains complots contre la sûreté de l’État.

Ces supposés complots offrent pourtant certaines satisfactions aux maîtres de l’heure ; c’est de tenir emprisonnés pendant des mois et des mois les militants les plus actifs de la classe ouvrière ; c’est un résultat appréciable dont se contentent probablement nos gouvernants.

À côté de cette comédie — qui serait plutôt une tragédie — il y a la réaction toujours plus arrogante, il y a les monarchistes qui complotent ouvertement contre l’État républicain. Et la République se tait, ce qui démontre suffisamment que République, Réaction, Monarchie, sont trois têtes sous le même bonnet, et que ces trois têtes n’ont qu’un corps : le Capitalisme. Et pour détruire cet animal tricéphale, lorsqu’il deviendra trop dangereux et qu’il voudra encore rogner sur les libertés acquises par des siècles de privations et de lutte, il n’y aura qu’un moyen pour déchaîner et organiser la révolte des opprimés : « Le complot ». — J. Chazoff.


COMPRÉHENSION. n. f. Faculté de comprendre, de concevoir. Cette faculté n’est pas donnée à tout le monde, et il est quantité d’idées pourtant bien simples qui restent incomprises de ceux à qui elles s’adressent, parce que ceux-ci n’ont pas la « compréhension » aisée, facile. La faculté de comprendre rapidement n’est pas seulement une qualité qui offre à celui qui la possède une source de satisfactions et de joies, mais au point de vue social, c’est une arme sérieuse. Si les hommes avaient la compréhension de ce qu’est leur force, ils ne resteraient pas courbés sous le joug de l’exploitation et se refuseraient plus longtemps à être des esclaves.


COMPRESSION. n. f. Physiquement : action de comprimer, de réduire un corps et d’amoindrir son volume sans lui enlever de sa force, de sa valeur ou de sa qualité. Les corps gazeux sont les plus compressibles. « Toute compression dégage du calorique. On remarqua qu’une masse d’air comprimé douze fois par un coup violent développe une chaleur capable d’allumer toute matière combustible. »

La compression offre un intérêt remarquable au point de vue scientifique, et des progrès énormes ont été appliqués, particulièrement en mécanique, grâce aux découvertes des savants.

La « compression », au sens politique, produit des effets diamétralement opposés. Elle encercle dans des limites étroites les libertés chèrement acquises ; elle interdit de se réunir, d’écrire, de parler ; en un mot, elle comprime tout ce qui fait de l’individu autre chose qu’un animal ou une plante. Si en physique la compression provoque l’explosion, il en est de même au sens moral et politique, et le despotisme, c’est-à-dire la compression poussée à son maximum, provoque la révolte et les révolutions. Mais ce sont là des lois que la bourgeoisie veut ignorer. Elle n’y échappera pourtant pas.


COMPROMISSION. n. f. Se compromettre, c’est à dire entrer dans une affaire, dans une organisation, dans un parti ; participer à une action et s’y mêler de manière à se créer des embarras susceptibles de menacer sa réputation.

La compromission est donc l’action de se compromettre. Les compromissions sont nombreuses, surtout dans le monde politique étroitement lié au monde financier et industriel, qui trouve dans les « représentants » du peuple des agents qualifiés pour soutenir, moyennant salaires, ses intérêts dans les parlements.

Les compromissions de certains ministres ou hommes d’État, dans certaines affaires véreuses, ont parfois soulevé des scandales, et nous ont dévoilé les dessous de la politique. Il est peu de parlementaires, quelle que soit leur situation de fortune, qui se refusent à certaines compromissions pour toucher les scandaleux « pots-de-vin » que leur offrent les gros spéculateurs et les gros industriels à la recherche de contrats avantageux et de commandes importantes.

Mais les scandales n’ont pas arrêté les exploits de toute cette canaille qui ne cherche qu’à s’enrichir, pour qui le mandat politique arraché à la naïveté populaire n’est qu’une source de revenus et qui considère que la compromission n’est indélicate que dans la mesure où elle est dévoilée, puisque la fin justifié les moyens.


CONCEPT. n. m. (du latin : conceptus, conçu.). Si physiologiquement la « conception » est l’action de donner la vie à un être ; philosophiquement, le « concept » est la résultante de la « conception » intellectuelle. Pris dans son sens absolu, le « concept » est une abstraction, c’est-à-dire qu’il se détache de tout ce qui peut être substantiel, pour n’être qu’une opération de l’esprit (voir abstraction). Ce mot est peu employé dans le langage courant du peuple ; toutefois, dans les milieux d’avant-garde, on s’en sert parfois au pluriel « les concepts », en en faisant le synonyme de « conception ». Le terme a cependant une toute autre signification, et il serait préférable de s’abstenir d’en user, à moins de lui donner sa valeur propre et de le ranger à sa place dans le domaine de la philosophie.