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à un minimum, d’y faire place à quatre sortes d’activité :

1° Le travail individuel standardisé ;

2° Le travail collectif organisé ; portant sur le programme minimum imposé à tous.

3° Le travail individuel libre ;

4° Le travail collectif libre : travail librement choisi et exécuté en coopération par des groupes d’élèves librement formés.

Une telle organisation de travail scolaire ne laisserait plus de place à certaines critiques fondées sur les différences qui existent entre les deux sexes. Si, d ailleurs ces différences sont indéniables et justifient l’opposition à un enseignement entièrement uniformisé, il ne faut pas oublier que les différences individuelles entre enfants du même sexe ne sont pas moindres et que logiquement les partisans de la séparation des sexes devraient défendre une séparation des enfants de chaque sexe en de nombreuses catégories.

L’organisation scolaire que nous venons de recommander permet d’économiser bon nombre de ces catégories. Elle ne sera cependant pleinement satisfaisante qu’à la condition d’y adjoindre une organisation scolaire spéciale pour les surnormaux et pour les anormaux, c’est-à-dire pour un petit nombre d’enfants, qui profiteraient mal de l’enseignement collectif donné aux élèves moyens et parfois pourraient être une gêne pour ceux-ci. Par suite nous pensons qu’il sera nécessaire de conserver quelques écoles unisexuelles pour certaines catégories d’anormaux auxquels la coéducation ne convient pas.


Ainsi sauf de très rares exceptions, tous les enfants devraient être soumis au régime coéducatif.

Nous avons indiqué sommairement comment le régime scolaire pourrait respecter l’individualité enfantine et par conséquent tenir compte des différences individuelles.

Il nous reste à fournir quelques détails complémentaires sur ce sujet en remettant cependant à une étude sur l’enseignement ce qui ne concerne que l’adaptation scolaire aux différences individuelles.

Il ne faut pas oublier pourtant que la coéducation est aussi bien une question familiale qu’une question scolaire.

Trop souvent, dans certaines familles, les garçons sont favorisés par un régime spécial : on fait plus de sacrifices pour leurs études, on tolère leurs escapades, tandis que de toute façon on prépare l’épouse soumise de demain.

Si quelqu’un s’étonne de voir le garçon courir et s’amuser alors que la fillette aide la maman aux soins du ménage, de voir interdire à la sœur les livres qu’on permet au frère, plus d’une mère même ne comprend pas que la vie de famille doit préparer l’égalité entre les deux sexes, qu’il est bon que la jeune fille s’amuse aussi, qu’il est juste que le garçon prenne sa part des travaux ménagers et que ceci s’explique d’autant mieux que la femme d’aujourd’hui travaillant souvent au dehors comme son compagnon, devrait être plus largement aidée à la maison par ce dernier.


Félicie Numietska écrivait en 1905 : « Tout le monde admet, ne fût-ce qu’en théorie, que le garçon doit être vigoureux : il lui faut une poitrine large et des poings robustes. Chez la fille, au contraire, par une séculaire aberration, on s’applique à cultiver la gracilité, on lui inculque un idéal de beauté artificielle et « distinguée », les pâles couleurs de la chlorose, un air penché, une taille de guêpe. Si ces folies n’étaient contraires qu’à l’esthétique, il faudrait déjà les dénoncer, mais le mal

est plus grand. Au risque d’être accusée de paradoxe, j’oserai soutenir que la femme, tout comme l’homme, a besoin de force et de santé. N’en faut-il pas pour subir l’épreuve de la maternité ? ».

Heureusement on discute moins aujourd’hui sur la nécessité de l’éducation physique de la femme, mais les adversaires de la coéducation y trouvent une raison nouvelle en faveur de la séparation des sexes.

Or il faut remarquer que la gymnastique d’aujourd’hui n’est plus athlétique comme autrefois et que la plupart des exercices d’assouplissement, de développement, et d’endurance conviennent également aux deux sexes. Il ne faut pas oublier non plus qu’il est des fillettes qui, à un âge égal, sont plus fortes, plus souples que ides garçons du même âge et qu’en éducation physique comme en éducation intellectuelle, nous voulons nous rapprocher autant que possible de l’idéal de l’enseignement sur mesure.

Quelquefois on invoque contre la coéducation la violence que les garçons mettent parfois en leurs jeux, mais cette violence se constate bien moins souvent chez les garçons qui ont toujours été soumis au régime de la coéducation. On ne songe pas non plus aux tout-petits. La plupart de ceux-ci, jusque vers sept ans, et parfois plus tard encore, préfèrent jouer avec les fillettes et plus d’une fois nous avons vu des fillettes de douze ou treize ans se faire leurs protectrices, ce qui ne pouvait nous déplaire.

Dans-une des plus fameuses écoles coéducatives d’Angleterre, à Bédales, de peur de surmenage, on s’efforce d’éviter toute compétition directe entre les deux sexes dans les jeux et la gymnastique. C’est, croyons nous, une mesure un peu trop radicale et qui ne tient pas compte des avantages que la pratique commune des sports présente d’un autre côté. Un auteur anonyme écrit :

« Aussi la combativité que la femme acquiert dans la pratique des sports lui servira à faire accepter par son mari des droits que celui-ci pourrait être amené à lui contester. Et cette combativité, si elle se manifeste dans les préliminaires du mariage, convaincra le candidat de la valeur morale de celle dont il veut faire sa compagne. Cette épreuve sera décisive. S’il ne souhaite que l’épouse asservie des temps révolus, il ira chercher fortune ailleurs ; si au contraire il admet cette alliance loyale où aucun des alliés n’a le pas sur l’autre, il sera heureux d’avoir trouvé l’associée digne de lui.

« Certains sports, en facilitant ainsi la fréquentation des jeunes filles et des jeunes gens, constituent un utile prélude à l’accord conjugal. Si le sport n’est encore qu’un prétexte pour les deux sexes à se rapprocher sans arrière-pensée, il contribue à ce que la jeune fille se familiarise avec l’élément masculin. Si l’on a vu autrefois tant de jeunes filles s’amouracher trop facilement d’un homme avec qui elles firent par la suite mauvais ménage, c’est que souvent cet homme était le premier qu’on leur ait permis d’approcher. Il représentait donc forcément l’homme en qui se cristallisaient aussitôt ses rêves cachés. Pour qu’une jeune fille puisse faire au contraire le libre choix de celui avec qui elle s’unira, il faut qu’elle ait la faculté de faire ce choix par comparaison. » (Les Cahiers anonymes : L’Accord conjugal).


L’un des griefs les plus souvent invoqués contre la coéducation est le danger où serait l’innocence des jeunes filles et celle des jeunes garçons. Aussi, certains qui admettent le régime coéducatif pour les petits le repoussent-ils pour les grands.

Des psychologues vous expliqueraient qu’au contraire, le rapprochement des sexes sublime l’instinct sexuel qui se trouve déformé par une séparation antinaturelle.

Les praticiens, mêmes hostiles à la coéducation, reconnaissent le peu de valeur des critiques adressées à