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elles-mêmes, les millions et les millions de travailleurs des villes et des champs rassemblés dans leurs organisations sociales de classe, et non de politique — syndicats et autres — qui s’en chargeront (voir Syndicalisme).

Les anarchistes sont en grande majorité d’accord avec cette réponse. La vie, l’histoire, l’avenir prochain décideront. — Voline.


CLASSIFICATION. n. f. Ordre dans lequel on range les objets, les personnes ou les choses. Il y a également la classification des idées.

« La classification des lois ; la classification des connaissances ; la classification des marchandises. » Les connaissances humaines, à mesure que nous avançons dans le progrès, sont si étendues déjà et s’enrichissent chaque jour à tel point, les variétés de la nature sont si nombreuses, qu’il est impossible à l’intelligence humaine d’embrasser tout l’ensemble de l’univers. On est donc obligé de s’arrêter aux particularités qui forment l’ensemble, de manière à ne pas s’égarer dans la diversité des phénomènes. De là la nécessité, pour ne pas se perdre, de ranger chaque chose dans un cadre particulier si l’on veut étudier les rapports qui existent entre un objet et un autre. Il en est de même pour les idées et la science qui sont, elles aussi, obligées de classifier leurs connaissances et de les ranger par catégorie. La classification est la voie la plus convenable pour obtenir des résultats. Elle est sœur de la méthode et, comme elle, engendre la clarté. Elle nous permet de partir de l’inconnu pour atteindre le domaine du connu. La classification est donc un bien, à condition cependant de n’être ni artificielle ni superficielle et de ne pas se perdre dans l’abstrait. Comme en toute chose, l’exagération est néfaste, et la manie de classifier devient un défaut au lieu d’une qualité.

De nos temps, tout se classe et, dans nos sociétés bourgeoises, on classifie même les individus de même race et de même nation pour en faire des sujets différents les uns des autres ; de là le terme « classe » pour désigner une partie de la collectivité appartenant à une catégorie sociale. Si la classification des objets en genre, en famille est utile ; si la classification des idées et des découvertes scientifiques est indispensable ; la classification des hommes est un des vices des sociétés à base capitaliste et cette erreur disparaîtra avec les causes qui l’ont engendrée.


CLERGÉ. n. m. (du latin : clericatus). Tout ce qui compose la corporation sacerdotale ; les archevêques, les évêques, les chanoines, les vicaires, les aumôniers, appartiennent au clergé séculier, c’est-à-dire qui prend contact avec la population ; le clergé régulier est en grande partie composé de moines menant une vie monastique. Le clergé est également divisé en classes et on distingue le haut clergé et le bas clergé. Le premier groupe les hauts dignitaires et les princes de l’église, alors que le second ne groupe que les prêtre de rang inférieur et qui accomplissent les besognes courantes de la paroisse.

Avant la Grande Révolution française, le Clergé était un des ordres les plus importants de l’État et bénéficiait de très gros privilèges. Ce fut un des bienfaits de la Révolution de détruire sa suprématie et d’amoindrir sa force. Malheureusement, si le Clergé a perdu de sa puissance, il exerce encore une assez grande influence publique qui n’est pas à négliger ; il est soutenu par toutes les forces de réaction auxquelles il ne refuse jamais lui-même son concours. Cela se comprend. « Le prêtre ne peut être utile qu’en qualité d’officier de morale » dit l’abbé Saint-Pierre ; mais si nous fouillons

aussi profondément que possible dans l’histoire, nous voyons que jamais le Clergé n’a accompli le rôle qui lui était assigné par la doctrine et Helvétius nous apprend que déjà chez les Égyptiens « les prêtres formaient un corps à part, qui était entretenu aux dépens du public. De là naissaient plusieurs inconvénients : toutes les richesses de l’État se trouvaient englouties dans une société de gens qui, recevant toujours et ne rendant jamais, attiraient insensiblement tout à eux. » Il en fut ainsi de tous les temps et, de nos jours encore, le Clergé est toujours à l’affut des richesses. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il n’y a aucune espérance d’améliorer cet ordre qui n’a d’autre utilité sociale que de perpétuer une erreur pour maintenir le pauvre dans l’ignorance et défendre les intérêts des riches. Les crimes du clergé, quelle que soit la religion dont il se réclame, sont innombrables et seront traités d’autre part. (Voir Église, Inquisition, Papauté, Religion, etc., etc.) Il a régné pendant des siècles par la terreur et, dans les pays où il détient encore le pouvoir politique, il n’hésite pas à se servir de moyens monstrueux pour conserver sa force et son autorité. Ayant acquis sa puissance dans le meurtre et dans le sang, le clergé s’est à jamais discrédité aux yeux de l’homme civilisé et il faut espérer qu’il disparaîtra un jour prochain, méprisé de tous et ne laissant de regrets qu’au cœur des inconscients et des barbares. Sa disparition sera un grand pas de franchi vers la libération des humains, car elle marquera la mort de certains préjugés de croyance en une puissance immatérielle, et permettra à l’homme d’évoluer plus librement vers son entière émancipation morale, matérielle et intellectuelle.


CLÉRICALISME. n. m. Il faut entendre par ce mot le mouvement politique et social qui considère la Religion, et plus spécialement la Religion catholique comme le fondement le plus sûr de « l’Ordre » basé sur le principe « Autorité » et sur le fait « Gouvernement », mouvement qui, par voie de conséquence, tend à attribuer la direction de la chose publique, plus encore : la domination universelle à l’Église catholique, apostolique et romaine et à placer cette domination entre les mains du clergé séculier et régulier composant le parti « Prêtre ».

Ce qui caractérise le cléricalisme, c’est son irréductible opposition à toutes les mesures et pratiques s’inspirant de la pensée laïque, favorisant et secondant le renforcement de celle-ci. C’est la constatation de cette intransigeante opposition à l’expansion laïque qui a arraché à Léon Gambetta ce cri de guerre : « Le Cléricalisme, voilà l’Ennemi ! » Le trait essentiel du cléricalisme, c’est la souplesse d’allures au service de desseins précis et de buts déterminés : « La fin justifie les moyens » déclare le Cléricalisme et, armés de cette devise, usant et abusant avec impudence de cette formule qui, par anticipation, a la vertu de tout justifier, voire de tout exalter, les adeptes du cléricalisme qu’on appelle communément « les cléricaux » font usage, le cœur léger et la conscience sereine, des agissements les plus indélicats, des procédés les plus criminels, des manœuvres les plus perfides, des crimes les plus abominables.

Un autre trait par lequel se distinguent les cléricaux, c’est la persévérance, l’obstination, l’opiniâtreté, la constance étonnante avec laquelle, quelles que soient les difficultés, ils poursuivent les fins qu’ils ont assignées à leurs efforts. Ont-ils vent en poupe ? Ils y marchent à toutes voiles ; s’ils ont vent contraire, ils louvoient, courent des bordées, disparaissent même un instant à l’horizon pour reparaître tout à coup, le cap toujours mis sur le but à atteindre.