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rature on passait à la philosophie et les causeries philosophiques s’orientèrent rapidement vers la politique et s’attaquèrent à l’astucieux et puissant Mazarin. C’est dans les salons, ruelles et embrasures de fenêtres que naquirent les deux Frondes (1648-1649 et 1649-1653) où nous retrouvons Broussel, Condé, Beaufort. Madame de Longueville fut célèbre parmi les jolies frondeuses.

L’Académie Française elle-même est née de causeries et, en dépit de la légende, Richelieu n’en fut pas le fondateur : elle existait de fait quand il s’en empara. En 1629, Chapelain, Godeau, Gombault, Giry, Habert, l’abbé, de Cérisy, Malleville et Cérisay, prirent l’habitude de se réunir chez leur ami Valentin Conrard pour s’entretenir des travaux qu’ils préparaient. Le cardinal de Richelieu, ayant appris l’existence de ces causeries, proposa aux causeurs de former une compagnie. L’Académie était née, car Chapelain fit prudemment remarquer à ses compagnons qu’il était sage de ne pas déplaire au Cardinal. La signature royale consacra l’existence de l’Académie Française, le 29 janvier 1635. Mais un siècle plus tard, les causeries prendront une ampleur féconde et prépareront la révolution, parce que, dans les « salons où l’on cause » auront fréquenté les encyclopédistes. Qui sont ces encyclopédistes dont le verbe préparera la chute du trône le plus élevé d’Europe ? Diderot, d’Alembert, l’abbé de Prades, Voltaire, Helvétius, le chevalier de Jaucourt, l’abbé de Condillac, Rousseau, l’abbé Morellet, d’Holbach, l’abbé Raynal. Où se réunissaient-ils ? — Dans les salons de quelques grandes dames. Ces cénacles étaient très organisés, voire disciplinés : chaque maîtresse de maison avait son jour et chaque jour avait sa matière. Chez Mme  de Tencin, le lundi on causait, arts, le mercredi lettres. Chez Mme  Helvétius, le mardi, on causait sciences, philosophie, sociologie ; mais abrégeons en nommant les dames qui tinrent les salons les plus célèbres, c’est-à-dire qui présidèrent aux causeries les plus retentissantes : Mme  de Longueville, Mme  Geoffrin, Mme  du Deffand, Mlle  de Lespinasse, Mme  Necker… Il y a danger d’être injuste quand on cite des noms : nous allions oublier Marmontel dont les causeries eurent leur part d’influence. Mme  Marmontel aussi tenait salon. Acceptons d’être incomplet et, pour cette époque, résumons : elle fut fertile en causeries fécondes.

Nous avons fini pour l’époque, mais à côté de l’époque, dans ce temps-là, dans un coin de province, sous une tonnelle de rosés, dans le jardin d’un estaminet de la banlieue d’Arras, des causeurs se réunissaient et fondaient une société. L’objet de leurs causeries était la poésie ; le nom de leur société, emprunté à la tonnelle, était les Rosati. Ces jeunes poètes amateurs étaient avocats, officiers, bourgeois ; les noms des causeurs : Joseph Le Guay, Lazare Carnot, Maximilien Robespierre !

Les grandes favorites organisèrent aussi des causeries ; la marquise de Pompadour, alias la fille Poisson, sut en tirer parti de façon remarquable. Pendant la période révolutionnaire tout prend des proportions si grandes que la causerie fait place à la conférence. Elle ne meurt pas tout à fait et Joséphine de Beauharnais en est une preuve. Plus tard, quand Bonaparte la délaisse pour sa maîtresse : la gloire, elle réunît les beaux esprits et la causerie survit dans son salon, mais pour ne renaître réellement qu’en la deuxième partie du siècle.

On fait un abus du mot causerie jusqu’à s’en servir pour désigner une conférence, un cours, voire un article de journal. Les causeries de Sainte-Beuve ne sont autre chose que des cours. Il en est de même de ce qu’à tort encore on a nommé les causeries d’Edmond

About. Par contre, quelques conférences de La Bodinière (oh ! très peu !) furent de réelles causeries. La plupart des conférences et des cours des Universités Populaires furent aussi des causeries. Les clubs actuels : Faubourg, Tribune des Femmes, Insurgés, etc., ne sont pas des milieux où l’on cause. Nous les retrouverons à l’article Conférence.

Nous devons, à ce propos, mettre en garde nos groupements d’étude et de propagande et leur recommander d’apprendre à discerner les qualités de leurs orateurs pour confier les causeries aux causeurs et les conférences aux conférenciers ; il est exceptionnel que le même homme réunisse les qualités des deux emplois. Encore une recommandation d’ordre pratique : si le causeur doit posséder de solides qualités, les auditeurs doivent s’imposer une certaine discipline à cause du danger de la digression et de la confusion. Il ne faut pas que, sous prétexte de la liberté d’interpeller l’orateur, tout le monde parle à la fois. La grande qualité de l’auditeur de causerie doit être la discrétion. Les auditoires de causeries se recrutent parmi l’élite des auditoires de conférences. — Raoul Odin.


CAUSTICITÉ. n. f. Substantif qui sert à désigner une nature acerbe, mordante, satirique, et le plaisir qu’éprouvent certains individus à poursuivre un adversaire, par l’invective et l’ironie. La causticité est un état maladif et dénote un caractère hargneux, méchant ; elle est plus brutale que la satire, et plus dangereuse ; elle est aussi moins spirituelle. Il faut se méfier et s’éloigner des esprits caustiques.


CAUTELEUX. adj. Qui use de ruse, de finesse, pour arriver à ses fins. Se dit d’un individu sournois et plat, dénué de franchise et ne prenant que des chemins détournés pour atteindre le but qu’il se propose. Un homme cauteleux n’hésite pas à tromper ses semblables, si son intérêt l’exige. « Des mains cauteleuses ont su la diriger vers un autre but. » (Mirabeau.)


CÉLÉBRITÉ. n. f. Ce qui est connu du grand public, qui a de la réputation. La célébrité d’un savant, la célébrité d’un roman, la célébrité d’un bandit. Il y a une nuance entre la célébrité et la gloire et il ne faut pas confondre l’une avec l’autre. On peut devenir célèbre en accomplissant une mauvaise action de grande envergure. Un grand criminel, un grand général qui fit massacrer des millions d’individus sur les champs de bataille, peuvent devenir célèbres ; mais ils ne seront jamais glorieux qu’aux yeux des populations serviles, nationalistes et patriotes. Les terribles « Chauffeurs de la Drôme » furent célèbres. Le nom de Poincaré est célèbre ; celui de Pasteur est entouré d’une auréole de gloire incontestable.

En notre siècle de mercantilisme où tout se négocie, la célébrité s’acquiert avec de l’argent. De la publicité autour du nom d’un mauvais romancier, et le voici devenu célèbre. De grands savants, des bienfaiteurs de l’humanité resteront obscurément abandonnés durant toute leur existence, tandis que des charlatans, grâce au bruit fait autour d’eux, seront universellement connus et fêtés. Un homme célèbre n’est donc pas obligatoirement un grand homme et c’est avec raison que Mme  Necker a dit : « Il y a des célébrités factices auxquelles on travaille toute sa vie et qui finissent à la mort. Il y a des célébrités qui commencent au tombeau et ne finissent plus. »


CÉLIBAT. n. m. Est considérée de par la loi comme célibataire toute personne d’âge nubile et qui n’a pas été mariée légalement, alors même qu’elle vivrait en ménage depuis des années sous le régime de l’union libre, et posséderait une nombreuse progéniture.