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richesses du sol, pour régner sur de nouveaux territoires ?…

Et les guerres coloniales, ne sont-elles pas autant d’actes de brigandages, au cours desquels les soldats enivrés, les malheureux, volent, pillent, assassinent, violent pour permettre à des industriels, à des négociants, à des financiers de mettre en coupe réglée individus et production d’un pays jusqu’alors libre ?

Qui dira jamais, comme Vigné d’Octon, les brigandages commis au cours des expéditions du Tonkin, de la Chine, de la Tunisie, de Madagascar, du Maroc, qui continuent après la conquête pour l’enrichissement scandaleux des négriers, des capitalistes des métropoles ?

Brigandage encore l’action qui consiste, pour quelques gredins, à s’enrichir pendant les guerres à ramasser dans le sang, sur les ruines, parmi les deuils innombrables, des fortunes colossales.

Et ceux qui ont amassé encore des fortunes dans l’exhumation et l’exploitation des cadavres, ne faisaient-ils pas acte de brigandage sur ces champs de bataille après la grande guerre de 1914-1918 ?

Et les coquins qui se faisaient payer jusqu’à cent fois la valeur des dommages de guerre, n’étaient-ils pas, eux aussi, des brigands, qu’on décore et qu’on salue ?

Les pétroliers, les armateurs, les propriétaires de mines qui accaparent, transportent et vendent à des prix majorés, ne font-ils pas encore acte de brigandage ?

Le mandataire aux Halles qui jette à l’égout les marchandises, les denrées au lieu d’en baisser le prix ; le meunier qui vend la farine au prix fort après l’avoir additionnée de succédanés ; le commerce, le négoce, tout ce qui vend à gros bénéfices, ne sont-ce pas des brigands qui spéculent sur la santé publique et sur le portemonnaie du consommateur ?

La vérité, c’est que le brigandage s’étale partout, dans ce monde de corrompus et de jouisseurs. Il est roi et ses auteurs protestent et crient comme des putois lorsqu’ils sont, par un juste retour des choses, l’objet de la peine du talion modestement appliquée.

S’il n’y avait pas eu de brigandage, si, cette action n’avait pas été élevée à la hauteur d’un principe, si on n’en avait pas fait une institution, il n’y aurait pas de propriété, pas de riches, pas d’exploiteurs, ni non plus de misères, de malheureux, d’exploités.

« La propriété, c’est le vol », a dit Proudhon. Ajoutons : c’est le brigandage qui a permis de constituer la propriété.

Il y a aussi le brigandage scientifique, littéraire, qui consiste à dépouiller un inventeur, un chercheur, un artiste du produit de son travail, à le dépouiller parce qu’il est pauvre, en acquérant, pour un faible prix, une invention, un procédé de fabrication qui permet de gagner des millions à celui qui dévalisera le pauvre savant, l’humble chercheur.

Brigandage encore, l’acte qui consiste à faire travailler un artiste de talent pour des prix dérisoires pour revendre ses productions au prix fort. Brigandage toujours que de piller les idées, la pensée des autres, pour les faire siennes. Les cas de ce genre sont légion. Les hommes de valeur meurent pauvres, inconnus et leurs détrousseurs sont célèbres et passent à la postérité, atteignent aux honneurs et à la fortune.

Que sont, auprès de cela, les peccadilles accomplie sous l’aiguillon de la faim, sous l’empire de la misère, pour assurer la vie des êtres chers ? — Pierre Besnard.


BÛCHER. Le bûcher est une pile de bois sur laquelle les anciens brûlaient les corps ; c’est aussi une pile de bois sur laquelle, jadis, on brûlait ceux qui avaient été condamnés au supplice du feu. Ex. : Le courageux Étienne Dolet mourut sur le bûcher. Le bûcher funèbre a été en usage chez beaucoup de peuples anciens,

notamment chez les Phéniciens, les Cypriotes, les Gaulois, les Grecs, les Étrusques et les Roumains. Chez les Grecs, si l’inhumation est d’usage pendant la période Mycénienne, la crémation devient prédominante dans la civilisation homérique. Du vie au ive siècle prévaut l’inhumation, puis la crémation revient à la mode pendant la période hellénistique. Les Romains des premiers siècles paraissent avoir préféré la sépulture par inhumation ; mais l’incinération domine pendant les derniers siècles de la république et sous l’Empire, jusqu’au ive siècle de notre ère, époque où l’on revient à l’inhumation sous l’influence néfaste des idées chrétiennes.

Sur le bûcher, enduit de poix, on plaçait le cadavre sur son lit funèbre, avec ses vêtements, ses armes, etc… Les proches y mettaient le feu en détournant la tête. La crémation terminée, on éteignait la braise avec du vin et de l’eau. On triait les cendres et les ornements, souvent enveloppés d’ailleurs dans un linceul d’amiante ; on renfermait l’urne dans un coffret, que l’on déposait dans un tombeau ou dans une niche de columbarium. Il faut regretter qu’aujourd’hui on en soit toujours à la mode de l’inhumation, conséquence du christianisme. L’incinération est, à tous les points de vue, préférable à l’inhumation. Elle pourrait éviter, notamment, beaucoup d’épidémies et de contaminations mystérieuses qui proviennent très souvent d’une source dont le cours souterrain a traversé le sol empesté d’un cimetière. Quant au bûcher, en tant que mode de supplice, nous n’avons heureusement plus à déplorer son emploi. La société ne pouvant conserver cet appareil barbare, l’a remplacé par des procédés plus modernes : guillotine, pendaison, chaise électrique, etc… C’est ce qu’elle appelle le Progrès…


BUDGET. n. m. (mot anglais tiré lui-même du vieux français bougette, petite bourse). — On appelle budget l’état de prévision des recettes et des dépenses d’un État, d’un département, d’une commune, etc… et, par extension, les recettes ou dépenses d’un individu. Les budgets gouvernementaux sont toujours plus ou moins fantaisistes, il s’agit pour les gouvernements de dissimuler, le mieux possible, leurs agissements, et de présenter l’argent dont ils se sont rempli les poches comme ayant servi au bien public. Mais les trous faits dans le gâteau sont généralement si larges que la tâche des politiciens est ardue. Enfin, lorsque rognant sur les dépenses utiles pour couvrir leurs soustractions, ils ne parviennent pas à leurs fins, ils ont recours à une méthode courante : ils augmentent les impôts et font supporter aux classes travailleuses, leurs inutiles dépenses. Mais leur comédie est si soigneusement jouée, que le peuple accepte avec confiance, les explications qu’on veut bien lui fournir. Voici d’ailleurs comment se vote un budget : chaque année, les ministres préparent le budget de leur département respectif. Le ministre des Finances centralise leurs propositions et y ajoute les prévisions de recettes pour compléter le budget général de l’État. La réunion des divers projets de dépenses et de l’unique projet de recettes constitue (avec son commentaire, l’exposé des motifs) le projet de budget général. Du rapprochement des dépenses et des recettes résulte ce que l’on nomme l’équilibre du budget. Le budget est présenté en premier lieu, à la Chambre des députés. Comme toutes les autres lois, il doit être voté par les deux Chambres, pour devenir exécutoire. L’année financière s’ouvre parfois avant que les Chambres aient terminé le vote des recettes et des dépenses afférentes à l’année qui commence. On a recours alors au vote de douzièmes provisoires, c’est-à-dire d’acomptes mensuels en cours d’exercice, tant pour les recettes que pour les dépenses, suivant une répartition purement provisoire. Votée et promulguée, la loi de finance revient des mains du Parlement : dans celles de l’administration, qui assure son exécution. Cette