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en puise aussi dans les mythologies : grecque, latine, germanique, indienne. Mais, alors on avoue que ce ne sont que des mythologies, c’est-à-dire des inventions poétiques mais mensongères. Je ne m’oppose nullement à ce qu’on enseigne les miracles de la Bible, pourvu qu’on les présente comme de simples contes de fées, comme ils le sont en effet. Mais c’est tout autre chose quand on enseigne aux jeunes générations ces mensonges comme des vérités, quand les prétentions historiques de la Bible gouvernent le monde, quand la haine semée dans les cœurs par la prétendue histoire sacrée excite aux massacres des Juifs et des Musulmans par les Chrétiens, des Irlandais protestants par des Irlandais catholiques.

Je pourrais démontrer que la Bible est un livre funeste ; mais ce sujet est trop vaste. Je me bornerai donc à démontrer que la Bible n’est pas un livre d’histoire et que sa valeur historique est nulle.

M. R. Naville, célèbre égyptologue genevois, élevé dans les idées chrétiennes les plus étroites, a pourtant été conduit par de profondes études d’égyptologie à reconnaître que la Bible, telle que nous la possédons, n’est pas l’œuvre divine que prétendent les Chrétiens. Voici quelques extraits de son fameux ouvrage : Archéologie de l’Ancien Testament, qu’il a écrit d’abord en anglais, puis traduit en français :

« L’Hébreu écrit en lettres carrées ne remonte guère plus haut que l’ère catholique, il doit avoir à cette époque remplacé l’ancien cananéen. Avant Moïse et après lui, le babylonien et l’assyrien, étaient employés en Palestine, c’était la forme populaire du babylonien et de l’assyrien, ainsi que nous l’enseignent les tablettes bilingues et d’autres documents, tels que la version araméenne de l’inscription de Béhistoun. Les Juifs établis en Égypte écrivaient et parlaient l’araméen, l’écriture propre à la langue judaïque était l’alphabet araméen. »

Et plus loin :

« En examinant cette question à la lumière des trouvailles des 30 dernières années, nous arrivons à la conclusion qui paraît s’imposer que, les plus anciens documents de la littérature hébraïque n’ont pas été écrits dans la langue hébraïque, mais dans l’idiome et avec les caractères de Tel Al-Amarna, c’est-à-dire en babylonien cunéiforme. »

Plus loin, le distingué professeur cherche à excuser les contradictions et les répétitions si fréquentes dans les premiers livres de la Bible par le fait que ces œuvres ont été inscrites sur des tablettes d’argile séchées au soleil, comme on en voit tant au Louvre à Paris. L’écrivain ou les écrivains de l’Ancien Testament ne connaissaient pas toujours les premières tablettes ou bien faisaient des répétitions pour rappeler ce qui avait été dit dans ces premières tablettes : on y remarque une complète absence de proportion dans la façon dont chaque sujet est traité.

« Esdras », dit encore Naville, « en coordonnant les tablettes ne pouvait commencer autrement que par celles qui ont rapport à la création ». Le professeur cherche alors à indiquer le contenu des différentes tablettes telles qu’elles ont dû être écrites. »

Nous voici donc bien loin de l’histoire de la littérature hébraïque écrite sur des peaux et portée dans l’arche sainte. Ici, nous voyons des collections de plaques de terre où l’on écrivait en enfonçant le médius de la main droite et qui auraient été recueillies au hasard après le retour de la transportation en Babylonie. Ces plaques écrites en caractères cunéiformes auraient servi de base à la compilation d’Esdras en admettant qu’Esdras ait recueilli toute la Bible, ce qui est impossible, puisque quelques livres canoniques ne datent que d’un siècle avant notre ère. Au

surplus, où sont ces fameuses tablettes ? Pourquoi ont-elles disparu ? Comment admettre qu’elles aient existé, sans avoir laissé de trace ? On a bien retrouvé les tablettes des lois d’Hamaurabi, bien plus anciennes que l’épopée attribuée au mythique Moïse. Ne peut-ont pas plutôt supposer que les compilateurs ont recueilli les traditions orales de la bouche des vieillards comme Hilferding, Kiréyewski, l’ont fait pour les épopées populaires de la Russie « Les Bylines ». comme aussi Drajomenow l’a fait pour les chants historiques de l’Ukraine et comme on l’a probablement fait pour les poèmes homériques ?

Voici quelques paragraphes extraits de Maurice Vernes, l’une des plus grandes autorités en matière de critique religieuse :

« Depuis cent ans, un travail considérable a été consacré en Allemagne et en Hollande, puis en France à l’élucidation des questions qui touchent à l’origine et à la composition des livres saints. Quand on recherche les motifs qui ont dicté à la tradition ses différentes solutions, on constate ceci : pour toute la série du pentateuque et des livres historiques, la tradition s’est bornée à attribuer l’œuvre à l’homme qui en est le principal personnage ou, à son défaut, à une haute individualité aussi rapprochée des événements que possible. Les cinq « Lieri de Moyse » sont devenus « Libri Moysii » ; le livre de Josué est consacré aux exploits de ce héros, on lui en attribue aussitôt la paternité. Le livre des « Juges » ne pouvait être attribué à aucun des personnages qui y figurent ; on a choisi Samuel, le successeur immédiat du dernier des héros dont ce livre rapporte les aventures. Le livre de Samuel consacré à ce personnage, puis à David, seront les œuvres de Samuel pour les événements contemporains du prophète, puis de ses collègues et successeurs Gad et Nathan, dont les noms y paraissent plusieurs fois. Jérémie le grand plaintif qui assiste à la ruine de Jérusalem, aura rédigé le livres des Rois… La théologie traditionnelle juive ou chrétienne affirme d’une manière générale leur authenticité sans attacher du reste à ce mot un sens bien précis et rassurée sur ce point, elle ne se met guère en peine des invraisemblances et des difficultés proprement littéraires qu’on peut lui signaler dans ces affirmations. Ainsi a procédé une fois la Synagogue, ainsi a fait à son tour l’Église chrétienne qui a accepté, les yeux fermés, l’ensemble des désignations qu’on lui offrait, sans les soumettre à une vérification sévère, satisfaite d’avoir constaté que ces désignations lui laissaient toute latitude en théologie pour édifier le dogme et nourrir la piété. »

Voici encore ce que dit le professeur Vernes :

« En résumant les résultats qui ont généralement cours dans les ouvrages de la critique moderne, on peut dresser à côté et en contraste de la liste des données traditionnelles, le tableau suivant :

« Pentateuque. Loin d’être l’œuvre d’un seul homme et d’une seule époque, c’est une compilation où sont entrés des écrits de dates diverses et de plusieurs auteurs. Selon les critiques, ces écrits s’échelonnent assez inégalement du douzième jusqu’au cinquième siècle avant notre ère : l’œuvre n’aurait reçu sa forme définitive qu’à cette date dernière, peut-être par le soin d’Esdras. Les auteurs des différents documents, comme des recensions, sont inconnus, le livre pris en gros est anonyme. Le Pentateuque, les Juges, les Samuel sont tellement mélangés de folklore (espèces de contes de fées) que ce ne sont guère que des romans. « Les Livres des Rois » sont un peu plus définis ; probablement parce que les Rois ont, pour la première fois, fait faire des annales de leurs règnes, où l’on pouvait trouver des renseignements ; mais les rabbins,